Lundi 4 Avril 2011.....
C’est le début d’après-midi mon père et moi sommes assis tranquillement à notre terrasse. C’est un de ces rares moments d’accalmies dont on a appris à mesurer toute la saveur. Depuis le matin….quelques rares coups de feu ont retentit. C’est un silence qu’on apprécie tous à sa juste valeur.
Soudain, deux déflagrations assourdissantes retentissent dans le ciel. Tellement proche, tellement fort. On se précipite à l’intérieur de la maison, les yeux rivés vers le ciel....On a le temps de voir deux hélicoptères traverser le ciel à vive allure et deux traits rouges suivre leur trajectoire…On a du mal à identifier si se sont les hélicos qui ont tiré, ou si ce sont les FDS au sol qui ont attaqués les hélicos. Je me précipite sur ma caméra.
Un nuage de fumée s’élève dans le ciel. C’est alors qu’il me semble voir quelque chose dans le ciel. 4 ou 5 objets non identifiés. Trop gros pour être des oiseaux, la forme ne peut non plus être celle d’un hélico….trop rapproché les uns des autres pour être des avions normaux…Ils semblent floues, perdus dans les nuages sombres qui commencent déjà à s’amonceler, signe d’une pluie imminente.
Selon certaines sources…ce serait le mode furtif des MI 24. On sait bien que les ivoiriens n’en ont plus. J’essaie de les immortaliser sur ma caméra, mais on ne voit rien. Je me contente de prendre la fumée qui s’élève, un peu plus noire, en photo.
Qui vole ainsi impunément dans le ciel ivoirien ? Je n’ai pas le temps de répondre à cette question. C’est l’apocalypse…un déluge de feu et de flammes s’abat sur tous les quartiers environnants la poudrière d’Akouédo. Des projectiles volent et fusent dans tous les sens, explosant au gré du hasard comme un mauvais feu d’artifice mal goupillé. Qui tire sur qui ? On se réfugie dans la prière….en Dieu, notre citadelle…les murs tremblent, les portes sont fébriles. La peur se lit sur les visages, mais petit à petit la confiance refait surface….Dieu est fidèle…
Plusieurs versions sont avancées. L a plus plausible reste celle que je vous livre maintenant. La poudrière d’Akouédo a été bombardée par des MI 24. Les munitions, obus, et autres armes qui y étaient, chauffées à bloc, ont commencé à exploser en s’envolant dans tous les sens…
Voyez un peu la méchanceté de ceux qui nous attaquent. Leurs ressortissants bien à l’abri, ils s’en foutent pas mal si un obus atterrit sur la toiture d’un pauvre nègre. Combien de temps encore, allons- nous payer, la bêtise historique de nos parents, d’avoir été colonisé par les Français ? Et j’apprends aujourd’hui qu’ils l’ont fait pour protéger la population. Plusieurs morts, plusieurs maisons détruites par les obus : belle protection monsieur Sarkozy.
La pluie commence doucement. Les lumières s’éteignent subitement…nous n’avons plus d’électricité. La prière terminée, nous nous installons tous dans un couloir étroit de notre maison, loin des portes et des fenêtres. Entassés, comme des sardines en boîte, mais sains et saufs…Il fait excessivement chaud. Nous improvisons des chants de louange et d’adoration à Dieu. Nous pensons aux autres membres de la famille qui n’ont pas pu nous rejoindre. Nous encore, nous sommes nombreux…le groupe s’entraide et se soutient. Mais et ceux qui vivent, seuls cette peur, cette angoisse, avec peu ou pas de nourriture ?
Nous campons dans le couloir. Une bouillie de mil négligée le même matin, devient le sujet de toute notre convoitise. Nous l’accompagnons d’un peu de pain. La bouche qui remue aide à évacuer le stress, c’est connu. Le sucre commence à manquer d’ailleurs.
Les minutes passent. Longues, interminables…la nuit sera longue, très longue…Les bruits décroissent puis cessent dehors. Nous regagnons le salon. Une odeur de poudre agresse nos narines. Une fumée noirâtre s’élève à l’horizon. On croit que la pluie qui a commencé à couler depuis quelques heures déjà, a contribué à hâter la fin de notre calvaire.
Encore quelques explosions. Pas de quoi nous faire retourner dans notre cachette. On se prépare pour la nuit. Deux moitiés de bougies….une lampe torche…nattes et matelas en plein milieu du salon…il est 20h22, nous sommes déjà au lit. Une prière pour confier la nuit au Seigneur et la discussion aidant c’est aux environs de 21H30 que finalement Morphée a daigné nous ouvrir ses bras.
Seigneur délivre nous de la main de nos ennemis, fais éclater ta gloire…..Amen
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