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dimanche 31 juillet 2011

NOUVELLE: MEA CULPA...DE TANYA G


Il est fini, bel et bien fini le mois littéraire du Blog de Yehni Djidji. Que du bonheur, que de belles découvertes! Merci à tout ceux qui ont été fidèles. 
Merci à tout ceux qui ont accepté de se prêter  à mes interviews.
Merci à tous les auteurs qui ont pris de leur temps pour créer des histoires spécialement pour notre plaisir à tous. J'espère vraiment que des vocations sont nées.
Merci à Josué Guébo, Ayyahh, Daphney Tarek, Tanya G, Cedric Kissy, Shannen Rimphrey, Bee, PA, Symphonie, Luisiano N'Dohou...pour leur dynamisme. Vous retrouverez les petites histoires de Yehni au rythme habituel.

Nombreux sont ceux qui  ont réclamé des suites aux nouvelles parues pendant le mois littéraire. C'est bien cette ouverture, ce petit suspense à la fin, ce goût d'inachevé qui laisse la liberté à notre penser d'imaginer notre propre fin qui fait que la nouvelle après avoir été lue, continue de marquer l'esprit et de soumettre nos méninges à rudes épreuves, ouvrant même sur des débats houleux.

TANYA G, auteure de la nouvelle hautement appréciée EFFET DOMINO, relatant les péripéties de Serges maître chanteur improvisé à cause de la maladie de son père, a souhaité se plier aux désirs de ses lecteurs et offrir une fin à ce texte, intitulée MEA CULPA. A la prochaine édition!

Cette nuit encore, Serges avait été entretenu par l’insomnie, cette compagne qui vous livre à vous-même, vous contre vos hantises, seul contre vos appréhensions. Convoqué, Serges arriva à l’heure et surtout pas avant. Rare ce fut, de voir l’ensemble du personnel réunit de si bon matin.

            Alors que Denis Zakpa, le DG, ami proche du PCA et apprenti pasteur, entama sans tergiverser un sermon moralisateur à l’encontre de ce personnel d’impies qui avait transformé cette bonne office en bordel par leurs délits de copulation, fornication, et manipulation, l’on fit signe à Serges de se rendre à la salle de réunion où le PCA l’attendait. Les jambes tremblantes, il s’y rendit. En plus du PCA, il y avait la DAF, Herman, Cyril et Anita. Le PCA les avait tous conviés pour que la part de vérité de chacun puisse être entendue. L’opportunité d’un mea culpa à huis clos. C’était tout à fait caractéristique du PCA qui ne jugeait jamais sans écouter, puis discerner. Serges fut accueilli par un regard froid du PCA, signe de sa profonde déception à l’égard du jeune homme pour qui il avait une affection prononcée. Il avait été particulièrement impressionné par l’intelligence de ce technicien de surface qui était diplômé en sciences techniques.

            Pascal Konan prit la parole. « Bien. Herman m’a mis au fait de graves informations vous concernant tous. J’ai tenu à vous entendre en privé avant de statuer avec le DG. Serges, comment un technicien de surface se retrouve-t-il au centre d’une affaire de chantage ? »

« M. le PCA, je vous assure, cette intention n’a jamais été mienne, encore moins celle de vous décevoir. Vous le savez, j’ai pour vous un respect inaltérable. C’est par pure mésaventure, qu’hier j’ai surpris Madame votre épouse avec le chef comptable. Même à cet instant, l’idée d’un chantage m’étais étrangère. Si j’en suis arrivé là, c’est bien à cause de mon père qui est plus mort que vif, et dont les soins nécessitent urgemment 350.000 fcfa. Cet argent, je ne l’avais pas. Je ne l’ai toujours pas. Et mon père…est toujours entre ici et l’au-delà. » Herman avait purement et simplement annulé le virement des 500.000 fcfa dès qu’il eu vent de l’affaire.

Ne laissant transparaître sa compassion pour Serges, Pascal continua de sa voix rauque dans un ton cynique cette fois.

« Madame mon épouse, les faits de votre adultère sont sans équivoque. Serait-ce que le luxe dans lequel je vous fais vivre est si détestable que vous ayez eu besoin d’une cure de jouissance au travail ? »

« Pascal, n’en rajoute pas. Surtout pas ici ! »

« Je n’ajoute ni ne soustrais aux faits indéniables ! Mais défendez-vous si vous le pouvez encore madame. »

« C’est ça que je t’ai toujours reproché Pascal. Tu crois que l’argent suffit à tout. Avec ton argent, tu as couvert ma veuve de mère de pagnes et parures pour qu’elle me force à t’épouser alors que j’étais fiancée à un autre, moins riche, plus jeune et que j’aimais follement. Qu’est-ce que tu espérais ? Qu’en me couvrant à mon tour d’opulence, j’allais finir par t’aimer ? Mais monsieur mon époux laisse moi te dire qu’il n’y a sur cette terre aucune fortune capable d’acheter l’amour. »

« Hortense, si l’amour ne s’achetait pas, ton fameux fiancé n’aurait pas accepté l’argent que je lui ai proposé pour qu’il s’efface. Cet amour passionnel qu’il professait, il l’a gentiment tronqué contre 10 millions bien comptés ! »

Hortense fixait Pascal. La fureur dans les yeux, la rancœur jusque dans les poumons, elle rassemblait ses armes. Et elle dégaina ! Ce mea culpa venait d’emprunter une voie dangereuse. Une voie de non-retour.

« Avec tout l’argent que tu as, tu devrais t’acheter des scrupules Pascal !  Tu te fous royalement des autres et de leurs sentiments qui n’ont à tes yeux que des valeurs marchandes. Il n’y a que tes sentiments qui comptent puisque tu as le pouvoir d’achat. Tu es un piètre personnage, et je me suis jurée de te rendre la monnaie de tes achats… »

« Et donc, c’est pour te venger que tu me trompes avec un employé ? C’est ça ? »

« Pascal, je ne t’ai jamais aimé, je ne t’aime pas, et je ne t’aimerais pas. Je n’ai jamais eu l’intention de rester auprès de toi. Avec Cyril c’est bien plus qu’une aventure. C’est ma nouvelle vie ; une vie sans toi mais avec de l’amour ! » dit Hortense euphorique. Ce mariage c’était une prison, et elle préparait son départ depuis le premier jour.

Embarrassé, Cyril ne confirma ni n’infirma la déclaration d’Hortense. C’est Anita, dont on ne savait trop la raison de sa présence, qui s’esclaffa : « Mme Konan, si c’est Cyril le point de départ de votre nouvelle vie alors vous êtes mal barrée ! »

Cyril lui lança un regard menaçant, tandis qu’Hortense avait un gros point d’interrogation sur son visage.

« Ma pauvre belle-tante, il n’y a que toi qui ignore que Cyril est un tombeur en série récidiviste. Il t’a menti comme aux autres. » lança Herman avec une fausse compassion pour masquer son sarcasme. Il avait été étonnamment muet jusque-là, ne voulant pas attirer l’attention sur lui, surtout pas celle d’Hortense. Il parla pour enfoncer le clou sur la tête de cette dernière. Et il réussit.

            Hortense réalisait son illusion, le silence de Cyril en disait assez. Assurément, entre l’amour et elle il y avait désamour ! Son fiancé l’avait quittée pour de l’argent, et son amant feignait de l’aimer à cause de son argent. C’était l’ultime trahison. Elle savait les détournements de Cyril, ça faisait partie de son plan de vengeance. Cet argent aurait servi à leur nouvelle vie non sans laisser un trou béant dans les caisses de l’entreprise si chère au cœur de Pascal et ruiner le socle de sa fierté hautaine.

« Et tout l’argent que tu détournais alors ? » interrogea Hortense dégoûtée, décontenancée.

« Certainement vilipendé dans ses nombreux déjeuners galants ! » suggéra Anita.

« Je pense plutôt qu’il s’en servait pour acheter ses anti-rétroviraux, n’est-ce pas Cyril ? » supputa Herman qui tentait de se blanchir en salissant les autres. C’est de l’abondance de son cœur noir, qu’il parla, qu’il mentit à dessein.

« Quoi ??!! » s’exclamèrent Hortense et Anita à la pensée effroyable du pire qui les frôlait, et qui était peut-être déjà en elles.

« Venant d’un coagulé comme toi, ces vœux de malheur ne m’étonnent point. Je vis ma séro-négativité à fond— dit-il pour soulager ces dames. Mais pendant que nous y sommes, n’est-ce pas toi qui m’a très subtilement encouragé à séduire Hortense ? Tu t’étais fait l’avocat de l’épouse esseulée, enfermée, déprimée, malheureuse qu’elle était et m’avait prié de lui remonter le moral comme je sais si bien le faire. Et pour m’assurer que j’avais tout à y gagner, n’est-ce pas encore toi qui m’a dit « qu’est-ce que tu ne peux obtenir d’une femme que tu rends heureuse, qui plus est la DAF ? » » lâcha Cyril.

Tous les regards étaient maintenant tournés vers Herman dont on commençait à s’interroger sur les motivations. Hortense comprit plus vite que les autres. Une femme blessée qui n’a plus rien à perdre est dangereuse. Elle balance et déballe tous les secrets, les siens et ceux des autres. Herman avait négligé cet aspect au profit d’une attaque de front pour l’assommer en exposant sa liaison extraconjugale. Maintenant, c’est lui qui allait être exposé.

            Hortense relata une rencontre peu anodine datant de 2 semaines avant son mariage. Après que la décision de ce mariage lui fut imposée, elle s’était un soir rendue dans un bar pour noyer sa détresse intérieure, et enterrer sa liberté. C’est alors qu’elle fit la connaissance de ce charmant jeune homme tout aussi chagriné qu’elle et ils échangèrent sur les drames de leurs vies. Il avait un profond ressentiment à l’égard de son oncle qui ne lui reconnaissait pas sa valeur malgré tous ses efforts. Lui qui aspirait à une promotion était constamment relégué à des postes de second rang. Il attendait son heure de gloire, mais son oncle refusait de la lui donner. Au plus bas de sa frustration, il avait fini par contempler une alternative macabre qui allait le propulser à la tête de l’entreprise. Si son oncle qui était veuf et sans enfant venait à disparaître, il serait l’héritier direct…Inhibé par l’alcool, il partagea ses désirs morbides avec Hortense, la fille d’un soir. Elle aussi lui confia ses désirs d’une autre vie, une vie de liberté, d’amour et non pas ce mariage forcé avec un homme de 25 ans son aîné. Elle parla à cet inconnu, cet homme d’un soir avec toute sa franchise puisque bientôt elle allait devoir vivre dans le mensonge. Deux semaines plus tard, deux jours avant son mariage, Pascal la présenta à sa famille visiblement opposée à cette union. Quelle ne fut sa surprise de constater que le jeune homme du bar, qui appelait de sa convoitise secrète la mort de son oncle, n’était autre que le neveu de Pascal : Herman ! Herman était tétanisé devant celle qui bientôt serait sa belle-tante. Absolument, il se fallait qu’il trouve un stratagème pour sortir indemne de ce guet-apens du hasard. Pour se prémunir donc de la dénonciation d’Hortense et rentrer dans les bonnes faveurs de son oncle, il eut l’idée lumineuse de conseiller à Pascal de nommer Hortense comme DAF pour l’occuper et l’intégrer dans l’entreprise familiale. D’une pierre, il avait fait 2 coups de maître. De un, il devenait le seul membre de la famille empathique à Hortense. De deux, il apparaissait à son oncle comme altruiste et philanthrope—des qualités dignes d’un héritier—surtout que son ambition pour le poste de DAF était connue. La somme de ces 2 coups aida à dissuader Hortense qui voyait clair dans cette manœuvre pour acheter son silence. Néanmoins, reconnaissant en ce poste une pièce maîtresse dans son plan à elle, elle accepta.

            Herman n’était pas plus près de son objectif pour autant. Le mariage de l’oncle venait compliquer les choses. Si Pascal venait à mourir, c’est Hortense qui empocherait le pactole. Le vieux bougre avait fait la folie d’opter pour la communauté de bien, tout ça pour acheter et sa femme, et l’amour de celle-ci. C’est pour circonvenir à cela, qu’il se servit de Cyril. Connu pour ses indiscrétions, ses escapades avec Hortense allaient finir par se savoir. Et c’est sur ça qu’avait misé Herman. Le but était simple…Tout le monde avait compris. Mais au cas où, Cyril fit ce petit résumé : « Donc, si je comprends bien, Herman m’a utilisé pour séduire Hortense afin qu’elle se fasse surprendre et que le PCA divorce—aux torts exclusifs de madame—remettant ainsi Herman en pole position pour hériter ! »

La vérité, plus que les faits, était accablante. Sous son poids, Pascal s’était enfoncé dans son fauteuil. Il avait pris un sacré coup de vieux pendant cette petite heure. Sans mot dire, il se leva péniblement et se dirigea vers la porte. Avant d’en franchir le seuil, il se retourna et demanda : « Il faut combien déjà pour ton père Serges ? »

« 3…350.000 fcfa Monsieur » répondit-il hésitant.

Pascal fouilla dans ses poches intérieures et lui tendit 500.000 fcfa en espèces puis sortit. Le sermon de Denis Zakpa s’était transformé en exorcisation puis en évangélisation. Il s’arrêta à la vue de Pascal. Ils échangèrent quelques mots puis on libera le personnel. Pascal s’en alla à son rendez-vous.

            Tout ce temps, Serges avait fermé son téléphone portable. Il l’alluma puis appela sa mère pour s’informer de l’état de son père. Ça sonnait. 1 fois, 2 fois, 5 fois. Son cœur s ‘alourdissait un peu plus chaque seconde. «Oui….je suis à la clinique…le médecin dit que c’est juste une appendicite aigue... sa vie n’est pas en danger…» Serges poussa un ouf de soulagement. Ce docteur Séké alors ! On comprend mieux pourquoi il est docteur de quartier. Aucun hôpital sérieux ne le prendrait comme docteur celui-là.

Alors qu’il revenait de la clinique après avoir déposé la caution pour l’hospitalisation de son père, Serges fut informé de la nouvelle : le PCA a fait un infarctus juste après son rendez-vous.


PAR TANYA G

LE FILS DE BARRY KOULEBA (7)


Dès que Moudassirou apporta le repas, Viviane lui fit des remontrances sur son retard et lui intima l’ordre de le déposer sur la table du salon et le congédia pour le reste de la journée. Il était 17 heures. Barry était en voyage et elle avait demandé à sa servante de prendre un jour de repos. Elle voulait être seule et sans témoin pour recevoir son amoureux.
Viviane comptait bien donner un garçon à Barry, mais elle ne pouvait se résoudre à ce que son fils ressemble à cet homme qu’elle ne trouvait pas beau. Elle prenait donc régulièrement la pilule, à son insu. L’enfant qu’elle portait était celui d’un autre.

Le bruit d’un moteur qu’on éteint, le claquement d’une portière, des pas dans l’escalier, trois coups secs frappés à la porte.  L’amant de Viviane la souleva à bout de bras, à peine entré dans la maison.

-Comment va ma colombe aujourd’hui ? murmura-t-il.
-Bien.

Il la porta ainsi jusqu’au lit où il la posa délicatement. Il lui ôta son boubou et se mit à caresser son joli ventre arrondi.
-Tu es la plus belle femme enceinte que je n’ai jamais vu !
-Hum ! C’est un bien grand compliment venant d’un gynécologue, minauda-t-elle.

Le docteur en gynécologie Cyriac Mangué éclata d’un rire guttural.

-Tu m’as manqué.
-Il y a quelques jours à peine que nous sommes allés en consultation dans ta clinique.
-Ce n’est pas pareil. J’ai eu bien du mal à me contenir, même en sachant que cet idiot de Barry Kouléba attendait à côté.
-Ton gros défaut est que tu manques de patience. Aujourd’hui il est en voyage. Je suis toute à toi. Fais de moi ce que tu veux.

Il sourit et lui posa un baiser sur le front.
-J’aime t’entendre dire ça ! Mais il va falloir faire attention au bébé.

***


Enroulés dans les draps en soies vert-pâles, les deux amants serrés dans les bras l’un de l’autre se reposaient. La nuit était déjà tombée, en témoignait le morceau de ciel noir qui apparaissait entre les rideaux tirés.
-Je commence à avoir faim ! déclara Cyriac en s’étirant.
-J’allais oublier, j’ai fait acheter un bon plat de foutou avec de la sauce gombo sec.
-Où ? Au maquis de ta tante?
-Oui ! Je sais que tu raffoles de sa nourriture.
-On va se régaler.

Elle enfila son boubou et se rendit à la cuisine pour réchauffer la sauce sous le regard énamouré de Cyriac.

Cyriac et Viviane était amis depuis le collège. Personne ne savait que leur relation avait cessé d’être platonique à l’université. Ils s’aimaient, se comprenaient, tout en se donnant de l’espace. Elle lui avait spontanément exposé son plan pour séduire Barry et lui soutirer le maximum d’argent.  Leurs parents  tiraient tous les moindres duvets de la queue du Diable. C’était la bourse de Cyriac et les petits boulots de Viviane qui les aidaient à mener une vie presque décente. Ils voulaient d’une vie meilleure.  Le plan de Viviane était simple. Comme donner un fils à Barry Kouléba était le sésame de toutes ses extravagances financières, la clé qui ouvrait son portefeuille, elle lui ferait ce garçon, et amasserait suffisamment d’argent pour s’enfuir vers un autre pays avec Cyriac et leur fils. Ils vivraient heureux jusqu’à la fin de leurs jours comme dans les contes de fées que les blancs lisaient à leurs enfants à la télévision.

-C’est prêt chéri ! cria Viviane depuis le salon.

Cyriac la rejoignit. Elle avait dressé la table et installé un bol plein d’eau juste à côté pour qu’il se lave les mains. Papotant et s’amourachant, ils se nourrissaient mutuellement. Ils vinrent rapidement à bout des deux pains de foutou et de la sauce bien garnie.
-Ah, j’ai failli oublier. Il y a un problème !
-Quel problème ?
-Tu n’attends pas un garçon, mais une fille !
-Quoi ? s’écria Viviane. Mais tu as dit que…
-Ecoutes,  je n’allais tout de même pas dire la vérité et gâcher nos efforts.
-Seigneur ! Pourquoi tu ne m’en as pas parlé plus tôt ?
-Parce qu’il n’y a pas de quoi s'alarmer. C’est moi ton gynécologue et si je dis que tu es enceinte d’un garçon, c’est que tu es enceinte d’un garçon.
-Tu crois que c’est aussi facile que cela ?
-Non, mais ce n’est pas difficile non plus ! Il va falloir agir plus vite et se montrer plus rusé. Je dirai lors de la prochaine consultation que j’ai remarqué quelque chose d’anormal sur l’enfant et que des examens poussés doivent être faits. Je vais m’entendre avec les gars du Labo. On lui soutirera le maximum de sous et on disparaîtra avant que tu n’arrives à terme. C’est tout !
-Tu es sûr ?
-Ne t’inquiète de rien ma chérie. Fais-moi confiance !

Viviane ne pouvait s’empêcher d’être sceptique. Comment pouvait-elle être aussi malchanceuse?

-Je vais dans la chambre. Ne me fais pas attendre !
-J’arrive !

Il se lava les mains et disparut dans le couloir, laissant Viviane débarrasser la table.
Ce fut elle, la première, qui eut mal au ventre. C’était une douleur forte, insoutenable qui se mua rapidement en contractions qui lui tordaient les boyaux. Elle vacilla et faillit s’affaler sur le sol.
« Ce n’est pas encore le moment,  se dit-elle, c’est bien trop tôt. »

Elle cria le nom de Cyriac qui ne répondit pas. Lui-même se tordait de douleurs dans la chambre, et essayait de la rejoindre en rampant. Il fut pris de convulsions. Viviane s’écroula sur le sol, elle sentit un filet de sang lui couler le long des cuisses avant que l’obscurité ne l’engloutisse.


C’est ainsi que Barry les retrouva, quand  rentré de voyage plus tôt que prévu, les bras chargés de cadeaux, il voulu honorer la future mère de son fils avant même de se rendre à son domicile conjugal. Les ambulanciers qui arrivèrent une heure après son appel, ne purent que constater la mort de Viviane et son amant.


PAR YEHNI DJIDJI

Comme vous pouvez le constater, Barry Kouléba n’a toujours pas retrouvé son fils ! Proposez une fin à cette histoire où Barry découvrira l'existence du fils que lui cache sa femme et les retrouvailles…
Si votre texte est choisi comme le meilleur et que vous résidez à Abidjan, vous pourrez remporter un exemplaire gratuit du livre : Côte d’Ivoire cinquante ans d’indépendance en 10 nouvelles, publié par Frat-Mat éditions ou un roman de la collection ADORAS « Nolivée ma folie ». 
Si vous êtes à l’étranger, recevez dans votre boîte mail, une nouvelle inédite. A vos claviers !

LE FILS DE BARRY KOULEBA (6)

-Tu en as mis du temps !
Le nouveau venu baissa la tête et se confondit en excuses. Elle referma la porte à clé et lui présenta une chaise pour qu’il s’asseye.

-Je te sers à boire ?
-Non !
-Comme tu veux ! Alors quelles sont les nouvelles ? Qu’est-ce que l’échographie a révélé ?

Il déglutit péniblement. Mal à l’aise d’être dans cette chambre avec une femme mariée.

-C’est un garçon, Madame.

Rukayat posa violemment le verre qu’elle avait en main sur la table. Il se fêla. Elle le regarda fixement.

-Tu sais ce qu’il te reste à faire, n’est-ce pas ?
-Oui, Madame !
-Tu sais que je ne peux pas permettre à une autre de venir prendre ma place ! Toi non plus d’ailleurs ! Sinon, plus de petites enveloppes !

Moudassirou acquiesça. Les petites enveloppes de Madame Kouléba lui permettaient de mener un train de vie de fonctionnaire et de prendre soin de son fils malade.

Rukayat se dirigea vers le lit où était posé son sac de marque Lancel. Elle en retira un flacon qu’elle tendit à Moudassirou.

-Tiens, la prochaine fois qu’elle t’enverra pour acheter sa nourriture, verses-y l’équivalent d’un bouchon.

Devant l’hésitation de Moudassirou, Rukayat s’énerva.

-Tu peux le faire, oui ou non ?
-Je peux le faire Madame !
-Tu seras gracieusement récompensé. Ne t’en fais pas ! Et puis, de toutes les façons tu en sais trop et tu sais de quoi je suis capable.
-Bien sûr !

Il prit le flacon et le mit dans sa poche.

-Je continuerai à prendre soin de toi et de ton fils malade, tant que tu continueras de faire ce que je te dis.
-Oui Madame !

La sonnerie du téléphone de Moudassirou retentit.

-C’est elle !
-Mais décroche !

Aussitôt fait, la voix haut perchée de Viviane envahit le réceptacle.

-Allô ! Moudassirou ? Où es-tu encore allé de balader, fainéant ? Je me demande bien pourquoi on te paye !
-Pardon Madame !
-Pardon, pardon, en attendant moi j’ai faim ! Tu vas dans le maquis de ma tante à Marcory et tu lui dis de te donner deux pains de foutou de bananes bien mûres avec une bonne sauce gombo sec à la viande de brousse.
-Bien Madame !
-Tu te dépêches hein ! Si dans  une heure et trente minutes je ne te vois pas ici, considère que tu n’as plus de travail!
-Bien Madame !

Elle mit fin à l’appel.
-Un bouchon, rappela Rukayat.
-Je n’oublierai pas.

Elle tendit une enveloppe contenant 10 billets de 10 000 FCFA à Moudassirou. Il l’empocha sans prendre le temps de compter et sortit de la chambre.

Si elle savait que c’était son dernier repas, elle aurait sans doute choisi autre chose », se dit-il en refermant la porte derrière lui.


PAR YEHNI DJIDJI 


Lire la septième partie

LE FILS DE BARRY KOULEBA (5)



Ils étaient arrivés avec une heure d’avance. Barry impatient, s’était mis à avoir les mains moites, puis à transpirer à grosses gouttes, et à regarder sa montre chaque trois minutes. Les aiguilles semblaient tourner en sens inverse. Quand il s’était mis à arpenter la pièce de long en large, puis à trépigner d’impatience comme un enfant, Viviane avait donné le signal du départ. Ils avaient pris la direction de la clinique, sans qu’aucun embouteillage ne vienne ralentir leur allure.

Barry avait été sceptique au début. Il voulait prendre un rendez-vous chez un Gynécologue fort réputé, qu’on lui avait chaleureusement conseillé, mais Viviane avait refusé.
-Je préfère continuer de me faire suivre par mon gynécologue !
-Mais je peux t’offrir le meilleur.
-Pour ces choses-là, les femmes préfèrent rester fidèles. Tu ne veux tout de même pas que tous les gynécologues de la ville voient mon intimité quand même !
-Non ! Bien sûr que non !
-Je le connais depuis longtemps. Son père était le gynécologue de ma mère. Il m’a mis au monde. Quand il est parti à la retraite son fils a pris la relève. J’ai entièrement confiance en lui.

Barry avait fini par capituler. Il avait même reporté de quelques jours un voyage important, afin de pouvoir assister à cette consultation prénatale.

Viviane frissonna quand le gel glacé entra en contact avec son abdomen. Son Gynécologue, le Docteur Cyriac Mangué était assis près d’elle, sur une petite chaise noire et passait l'appareil sur son ventre avec des mouvements précis. Sur un écran, apparaissait des images floues, un dégradé confus, allant du noir au gris, qui ne semblait pas troubler le médecin. Il arrivait à déchiffrer ce rebus et pointa même fièrement du doigt une partie de l’écran.
-Voici la tête de votre petit bout de chou.
-Est-ce qu’on peut déjà voir le sexe ? C’est une fille ou un garçon ?

Le docteur hésita un instant, puis sourit.

-Il n’y a pas de doute, c’est un garçon.

Barry sentit un poids s’ôter de sa poitrine comprimée. Il bondit de joie dans le bureau, animé d’une vivacité inattendue pour un homme de son âge. Ses yeux s’embuèrent de larmes. Il voulut parler mais les mots, capricieux, insaisissables, lui échappaient. De toutes ses forces, il serra le médecin dans ses bras. Ce dernier, surpris, éclata de rire. C’était la première fois qu’un père manifestait sa joie avec autant de véhémence. Il vint embrasser Viviane. Le médecin imprima l’image.

-Voilà votre petit cadeau. Vous pouvez l’emporter avec vous, partout où vous voulez !

Barry lui arracha presque le papier des mains. Les siennes tremblaient, il était émue.

-Enfin ! Enfin ! murmurait-il.

***

Rukayat se servit une bonne rasade de Whisky et l’avala d’un trait. Elle sentit une douce chaleur envahir sa gorge puis sa poitrine. Elle se servit un autre verre et alla s’assoir dans un fauteuil. Barry ne savait pas qu’elle buvait et s’était mieux ainsi. Elle le faisait quand elle était extrêmement stressée  et c’était le cas aujourd’hui.  Elle ne voulait en aucun cas entacher son image d’épouse exemplaire. Il y avait bien des choses que Barry ignorait sur son compte.

Barry avait changé. Ces derniers jours, un sourire de bienheureux était constamment plaqué sur ses lèvres. Rukayat sentait le danger tapis dans l’ombre comme un félin, près à lui sauter à la gorge à tout moment. L’échographie de Viviane avait sans doute révéler ce qu’elle craignait depuis longtemps. Mais elle voulait en avoir le cœur net.

Trois coups furent frappés à la porte de la petite chambre d’hôtel qu’elle avait louée pour quelques heures. Elle ouvrit la porte la mine impassible.

-Tu en as mis du temps !


LE FILS DE BARRY KOULEBA (4)

La voiture de Barry était stationnée sur le bas-côté de la route. Le chauffeur du camion n’avait pas daigné s’arrêter. La sonnerie du téléphone retentissait toujours, insistante, dérangeante. Les mains crispés sur le volant, Barry avait le cœur qui faisait des bonds désordonnés dans sa poitrine. Au moins il était encore en vie, sain et sauf. Il avait échappé de justesse à une mort certaine. Cet enfant qui arrivait avait bien intérêt à être un garçon ! Le téléphone continuait de scander en boucle Nouhoumé de Bailly Spinto.

Un véhicule s’arrêta et deux hommes en descendirent. L’endroit n’était pas bien éclairé. De vieux lampadaires jetaient une lumière blafarde sur de petites portions de route. Barry eu peur. Le premier, grand, mince, ne devait pas avoir trente ans. Il portait un polo aux couleurs nationales et un pantalon jeans noir. L’autre qui devait avoir le même âge que Barry, portait une chemise brodée en lin et un pantalon noir. Ils n’avaient pas des têtes de voleurs, ils ressemblaient plutôt à un père et son fils. Il baissa sa vitre dans un chuintement.

-Vous allez bien Monsieur ? Les gens conduisent vraiment mal.
-Oui, je vais bien ! Merci
-Il aurait pu vous percuter !
-Je suis conscient d’avoir eu beaucoup de chance. Il faut croire que ce n’était pas mon jour, dit-il en souriant, gêné par le regard insistant du plus âgé qui le dévisageait sans se gêner.
-Barry ? Barry Kouléba ? demanda-t-il.
-Oui, c’est bien moi ! On se connait ?
-Timothée Nyanga !

Barry posa des yeux écarquillés sur le vieux. Il descendit précipitamment de sa voiture et ils s’étreignirent longuement en riant.
-Timité Nyanga ! Comme tu as vieillis !
-Tu n’es plus tout jeune non plus, objecta l’autre.
-ça fait combien d'années qu'on ne c'est pas vu?
-Oh, moi je te vois tous les jours à la télévision!

Barry sourit.

-Qu’est-ce que tu fais ici ?
-Laisse-moi te présenter mon fils, Vincent. Nous sommes venus voir ma mère qui est malade.
-Enchanté Vincent, il lui serra la main, je suis désolé pour ta mère.
-Oh, c’est une vieille femme très rusée, elle a plus d’un tour dans son sac pour tromper la mort.

Ils éclatèrent de rire.

-Je risque même de partir avant elle à cette allure.
-C’est un grand gaillard que tu as là ! s’exclama Barry, qui enviait son ami. Comme il aurait aimé avoir un fils lui aussi.
-Vincent ! Ma fierté ! Mon cadeau de jeunesse ! dit-il en riant. J’étais encore étudiant quand je l’ai eu. A l’époque c’était plutôt une erreur de jeunesse…
-Papa !
-Laisse-moi finir ! C’était une erreur de jeunesse pour les autres, mais moi je savais que cet enfant-là avait de l’avenir. Aujourd’hui il est sous-directeur de la zone Ouest-africaine dans une multinationale spécialisée dans l’agroalimentaire, annonça-t-il, avec fierté.

Des souvenirs se mirent à affluer dans la mémoire de Barry. Des rires, des pleurs, des visages, des bribes d’une autre vie qu’il croyait disparu à tout jamais. Il s’excusa et sortit de sa boîte à gants une de ses cartes de visite qu’il tendit à son vieil ami. Timité en fit de même.
Ils se séparèrent en se promettant de trouver une date pour se revoir, avant la fin du mois.  Barry remonta dans son véhicule. Bailly Spinto chantait toujours. Agacé, il décrocha le téléphone.
-Quoi ?
-Qu’est-ce qui t’arrives chéri ?
-Est-ce que tu sais que par ta faute j’ai failli me faire percuter par un véhicule ?
-Seigneur, qu’est-ce qui s’est passé ? Tu vas bien ?
-Oui je vais bien ! Mais il s’en est fallu de très peu ! Alors je suis désolé mais ton enfant se passera de sauce graine aux crabes poilus ce soir ! Je rentre chez moi !
-Barry c’est à moi que tu parles comme ça ?
-Ecoute on se verra demain, ou le jour suivant. J’ai eu trop d’émotions fortes pour la nuit.

Il raccrocha sans lui laisser le temps de parler. Il attendit une dizaine de minutes, pour que son rythme cardiaque et sa respiration se normalise et il fit demi-tour pour regagner son domicile.

Dès que Barry mis le pied dans la chambre, Rukayat devina qu’il n’allait pas bien. Comment pouvait-il aller bien, avec cette quête effrénée de fils dans laquelle il s’était lancé. Elle se demandait parfois si elle était une femme bien, juste parce qu’elle savait que son mari était un distributeur public de semence et qu’elle ne disait rien. Cela faisait-il d’elle une épouse plus aimante ? Plus soumise ?

Ils s’étaient rencontrés il y avait plus de vingt-cinq années aujourd’hui. Barry venait à peine d’ouvrir sa première société et il filait le parfait amour avec Honorine Aké, la meilleure amie de Rukayat. Rukayat était issue d’une famille aisée. Ce n’était pas le cas de Honorine. Très vite elle avait compris que Barry ne convenait pas à une fille quelconque comme Honorine. C’était son amie, elle l’aimait beaucoup, mais elle avait vu le potentiel de Barry. Elle avait su qu’il lui fallait une femme comme elle pour atteindre les sommets les plus élevés. Elle avait tout fait pour qu'il se sépare d' Honorine.

Parfois elle avait envie de lui dire la vérité ; quand le secret devenait trop lourd et qu’il pesait sur sa langue et voulait forcer la barrière de ses lèvres. Mais elle ne pouvait s’y résoudre. Quelle garantie avait-elle qu’une fois qu’il aurait eu un fils, il ne s’attacherait pas à la mère de ce dernier ? Surtout que Honorine était son premier amour? Et s’il la répudiait ? Non ! Elle préférait supporter la honte d’être une femme trompée que celle d’être une femme divorcée. Elle avait sacrifiée trop de choses pour que ce foyer fonctionne.Non, jamais elle ne dirait à Barry Kouléba que quelque part sur la surface de la terre, il avait un fils.

LE FILS DE BARRY KOULEBA (3)


Viviane avait dit la vérité à Barry ; tout le monde savait qu’il cherchait un fils. Dans la gente féminine, c’était un secret de polichinelle.
Viviane l’avait entendue au cours d’une causerie anodine, dans une boîte de nuit. Elle fréquentait souvent ce genre d’endroits. Elle n’en raffolait pas, mais ses copines appréciaient l’ambiance et il fallait bien vivre sa jeunesse. Elle ne se rappelait plus exactement à quel moment la discussion avait déviée sur le sujet. Mais sa cousine Urshulla, qui était de la partie ce soir-là, s’était mis à parler d’une de ses amies qu’elle traitait d’ingrate. Cette fille qui vivait pratiquement à ses crochets l’avait complètement oubliée une fois que l’ouragan Barry Kouléba avait traversé sa vie, détruisant les vestiges misérables de son ancienne existence pour lui en créer une nouvelle à coup de billets de banque. L’idiote n’avait pas été fichue de mettre au monde le garçon tant recherché et ne se retrouvait qu’avec une petite allocation. La petite allocation dépassait le triple du salaire d’Urshulla, mais cette dernière s’était quand même mise à rire de la déchéance de l’autre.

Quand elle avait appris à quel point sa vie pouvait changer si elle devenait la maîtresse de Barry, son cerveau s’était mis à tourner à plein régime. Elle avait mené de petites enquêtes. Barry Kouléba était propriétaire d’une boîte de nuit qu’il honorait fréquemment de sa visite ? Viviane y était tous les soirs. Barry inaugurait une école ? Viviane y était. Barry faisait ses courses une fois par mois au supermarché « LE HUPPE » ? Elle aussi.

Toutes les économies de Viviane y étaient passées. Un jour, le poisson avait fini par mordre à l’appât.

-Je ne crois pas aux coïncidences mademoiselle ! Soit vous me suivez partout, soit c’est moi qui vous précède !
-N’est-ce pas là la même chose ? Elle avait rit d'un rire calculé à la virgule près pour séduire.
-A une nuance près!
-L’essentiel c’est que le résultat est le même. Nous sommes en train de discuter.
-Dois-je comprendre que tout ceci était prémédité?
-Vous devez comprendre que vous êtes un bel homme et que vos admiratrices sont nombreuses !
Il avait souri.
-Et vous en faites parties ?
Elle avait souri à son tour, sans répondre. Il l’avait invité à prendre un verre.

Donner un garçon à Barry Kouléba était le défi de toute une vie ! Le défi de sa vie ! Et son plan de sortie définitive de la misère marchait bien. Depuis que Viviane lui avait annoncé sa grossesse, Barry était à ses petits soins. Il avait employé une servante pour prendre soin d’elle et délégué un  de ses chauffeurs-coursiers pour assouvir ses caprices de femme enceinte. Elle voulait manger des escargots braisés à 22 heures ? Moudassirou allait les acheter. Elle voulait boire spécialement le jus de Bissap d’une vendeuse de l'autre côté de la ville ? Moudassirou partait à la vitesse de l’éclair. Une fois, Moudassirou fatigué avait acheté le jus de bissap à l’autre bout de la rue et s’était assis dans une petite buvette pour passer un peu le temps et se relaxer.  Viviane s’était rendue compte de la supercherie et il avait failli être renvoyé. Il ne badinait plus avec les envies de sa patronne. S’il devait conduire jusqu’au Ghana pour lui acheter du pain sucré, il allait s'exécuter.

Barry venait régulièrement la voir et s’enquérir de son état et Viviane profitait de ces moments-là.

-Baba chéri, j’ai mal au dos !
-Ma pauvre chérie, que puis-je faire pour te soulager ?
-Viens me masser !

Barry la massait tendrement, délicatement, pendant de longues minutes, jusqu’à ce qu’elle lui dise de s’arrêter. Aujourd’hui le massage n’avait duré que quelques secondes. Elle l’interrompit.

-Merci Chéri! J’ai faim.
-Que veux-tu manger ma douce ?
-Je ne sais même pas! J’ai une envie forte de quelque chose mais je n’arrive pas à mettre le doigt dessus!

Barry la regarda, étonné.

-Comment est-ce possible?
-Je ne sais pas ! Cite moi les plats que ton enfant peut apprécier!

C’était la première fois que Barry entendais cela. Mais que ne ferait-il pas pour son héritier ?
-Pâtes ?
-Pas de pâtes !
-Hamburger ?
-Non !
-Pizza ?
-Non 
-Chawarma ?
-Non ! s’énerva-t-elle ! J’ai faim !
-Mais dis-moi ce que tu veux !
-Je t’ai déjà dit que je ne sais pas !
-Viviane tu ne trouves pas que tu exagères ?
-Ah bon ! J’exagère ! Quand tous les jours tu venais ici sous prétexte que tu voulais multiplier les chances de me mettre enceinte, tu n’exagérais pas ?

Barry poussa un profond soupir. Il espérait que toute cette fatigue n’était pas vaine ! Dans quelques jours ils avaient rendez-vous pour l’échographie. Il serait enfin fixé. Pour l’heure…

-Nems ?...Beignets aux crevettes ?
-Je veux manger une sauce graine avec des crabes poilus, annonça-t-elle au grand dépit de Barry. Il y a une femme qui fait ça très bien du côté de Bassam.
Il regarda sa montre, il était 20heures. Moudassirou était malade et ne reprendrait du service que le lendemain.

-Tu es sûre que tu ne veux pas autre chose ?
-Regardes comme ton fils bouge ! Touche, mets ta main sur mon ventre. C’est ce qu’il veut manger.

Effectivement l’enfant bougeait. Barry regarda à nouveau sa montre. Il avait promis à sa femme de ne pas rester tard dehors. Il soupira.

Il sortit au pas de course et monta dans sa voiture. Il démarra avant même d’avoir fini de fermer correctement la portière. Roulant à vive allure sur l’autoroute, il maudissait l’inventeur de la sauce graine aux crabes poilus. Son téléphone sonna. C’était encore Viviane. Si elle avait changé d’avis alors qu’il avait déjà parcouru plus de la moitié du chemin, la pilule allait avoir du mal à passer. Le téléphone glissa du tableau de bord et tomba sous le siège passager, la sonnerie continuait de retentir. Deux secondes d’inattention ! Des phares lui éblouirent les yeux, un bruit de klaxon strident et continu déchira ses tympans. Barry regarda pétrifié le 5 tonnes qui avançait à une allure folle à sa rencontre.


PAR YEHNI DJIDJI

Lire la quatrième partie
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Lire la sixième partie 
Lire la septième partie  

LE FILS DE BARRY KOULEBA (2)


Lire la première partie

 Dès le début de leur relation, Barry avait attribué à Viviane un petit appartement de trois pièces dans un de ses immeubles. Le jour qui avait suivi le coup de fil de Viviane, il s’était rendu chez elle aux aurores.
Elle était fâchée et avait refusé de le recevoir. Le jour suivant également. Le troisième jour elle était venue le voir à son lieu de travail.
-Toi, je sais que tu ne m’aimes pas ! Tu m’as insultée au téléphone et il suffit que je t’annonce que je suis enceinte pour que tu viennes faire le pied de grue devant ma porte.
-Je ne t’ai pas insulté, je t’ai dit la vérité.
-Tu vois, tu continues ! Je m’en vais !
-Ne te fâche pas avec moi ! Dis-moi, tu es vraiment enceinte ? C’est sérieux ?
-Tout le monde connait ton désir d’avoir un garçon, Baba. Comme pourrais-je plaisanter avec un sujet aussi brûlant ? Je suis belle et bien enceinte de six semaines.

Viviane était la seule à l’appeler Baba et il adorait ce surnom.

-Gloire à Dieu ! s’écria-t-il, en se levant de son siège.
-Je croyais que tu ne priais pas !
-Oh, c’est sorti comme ça ! Mais si tu me donnes un fils, je prierai le Dieu que tu m’indiqueras !
Il se mit à caresser son ventre.
-Si je te donne un fils? Dis-moi plutôt ce que tu m’offriras comme cadeau quand ton fils sera là ! Tu t’es renseigné sur ma famille ! Tu sais que nous faisons beaucoup de garçons ! Je suis fille unique parmi 5 frères aînés, ma mère était fille unique parmi 10 frères aînés. Ma grand-mère pareille et mon arrière-grand-mère également. Aussi loin que remonte nos souvenirs, les femmes de ma famille ont toujours été fertiles en fils. Ne t’inquiète même pas. En plus on m’a parlé d’un régime qui va garantir que ce bébé qui est dans mon ventre ne sera pas la fille unique de chaque génération.
-Non, non ! Pas de régime !

Barry gardait  encore en mémoire la déception cuisante qu’une des mères de ces filles, Fatou,  une Camerounaise, lui avait infligée. Elle lui avait parlé d’un régime spécial qui permettait de décider du sexe de l’enfant. Il avait dépensé une fortune pour acheter tous les aliments coûteux qui figuraient sur la liste des mets au menu de ce régime drastique. Elle avait vécu pendant neuf longs mois, comme un coq en pâte. Fatou avait quand même donné naissance à des jumelles de 2 Kg 800 chacune.

Cet évènement et plusieurs autres cas avaient fait comprendre à Barry que certaines de ses maîtresses désiraient uniquement lui soutirer de l’argent. Il avait décidé de changer sa méthode : plus de cadeaux coûteux et de dépenses faramineuses tant que son amante n’était pas enceinte et même là, il modérait ses largesses tant qu’il n’avait pas fait une échographie. C’était après cette nouvelle résolution qu’il avait rencontré Viviane.

-Il n’y a pas de problème ! De toutes les façons, les filles ont toujours été les benjamines ! C’est sûr ce bébé est un garçon!
-On fera quand même l’échographie pour en avoir le cœur net !
-Tu n’as pas confiance en moi ou quoi ?
- Si je l’avais fait avec les autres cela m’aurait évité bien des soucis. Et puis ce n’est pas une question de confiance! Si cet enfant est un garçon, je changerai totalement ton existence. Je t’achèterai un duplex à Paradise Bay. Tu connais, n’est-ce pas ? Cette nouvelle promotion immobilière destinée à la haute bourgeoisie de ce pays ! Je ferai de toi une « haute-bourgeoise ». Tu auras la voiture de ton choix ! Même si elle n’a pas encore été commercialisée ici, même si elle est encore chez son créateur, du moment où elle a été inventé et créée, je te l’offrirai. Je ne parle même pas des bijoux, des vêtements et de l’argent qui va pleuvoir sur toi par flot ininterrompu. Tu n’auras rien à envier à une première dame. Je te paierai les voyages que tu voudras vers les destinations que tu voudras. Je ferai moi-même les démarches pour les visas. Tu vivras le paradis sur terre et ce sera justement à Paradise Bay ! Quelle belle coïncidence !
Viviane lui sourit et lui posa un baiser léger sur les lèvres.
-Dans ce cas Baba, va prévenir ton banquier que tu vas bientôt faire des folies. C’est un garçon, je le sais, je le sens et les échographies je suis sûre confirmeront cela.

Baba retourna vers son bureau en bois massif et sorti d’un tiroir, une enveloppe en kaki qu’il tendit à Viviane.
-Voici 600 000 F CFA pour commencer. C’est pour le trousseau du bébé et tes examens. En cas de besoin, appelle-moi. Et je ne veux plus que tu circules en taxi, je vais te prendre un chauffeur et mettre une de mes voitures à ton entière disposition.
Viviane ressortit du bureau le sac lourd de l’enveloppe, un petit sourire aux lèvres :
« Mon plan marche à merveille ».

LE FILS DE BARRY KOULEBA (1)

Barry Kouléba était un homme d’affaires très prospère approchant résolument de la cinquantaine. La barbe taillée en couronne et les cheveux grisonnants, la mâchoire volontaire, il s’habillait fréquemment dans de grands boubous en bazin extrêmement riche, hors de prix qui l’obligeaient à marcher à pas lents et avec élégance et cachaient admirablement son embonpoint.  Il n’était pas musulman, même si son nom et son style vestimentaire conduisait souvent les gens à faire cette grossière erreur et à lui lancer des « salam aleykoum » à tout va. Barry était croyant. Il croyait au pouvoir de l’argent.

samedi 30 juillet 2011

NOUVELLE: L'ENTRETIEN...DE SYMPHONIE

L'entretien d'embauche, la grande inconnue. En quelques minutes, parfois même quelques secondes, un homme ou une femme déjà professionnellement inséré se fera une idée de vous, et décidera si oui ou non vous avez le droit de le rejoindre dans le club de plus en plus restreints des travailleurs. 
Certains disent qu'il est encore plus aisé pour les femmes d'obtenir un emploi. Si les atouts intellectuels ne  suffisent pas à convaincre le recruteur, les atouts physiques feront le reste. Mais est-ce vraiment un avantage?  Aujourd'hui le droit de cuissage est devenu quasi obligatoire, un genre de bizutage auquel peu échappe. ça suffit, il faut que ça change!

Merci SYMPHONIE!



C'est un jour comme les autres. Elle déambule dans les rues du plateau, le quartier des affaires comme on dit. Elle est plutôt bien apprêtée, jupe gris foncé, chemise rose quelque chose, et gilet gris foncé. On dirait qu'elle se rend à un entretien, pourtant il n’en est rien, mais à sa démarche on remarque qu'elle maitrise les lieux. Elle se dirige vers l'étalage de journaux, en achète un, on peut à peine lire le titre: business graph... qu'elle a déjà ouvert la page offre d'emploi. Ah on devine tout: elle est jeune diplômée à la recherche d'emploi et vient dans ce quartier tous les jours pour saisir les opportunités. Elle s'assied tranquillement sur un banc public, quelques secondes, une minute, tout à coup son regard s'illumine.  Elle a trouvé le job de ses rêves: Pays Alliés (PA), organisme international, cherche jeune traducteur (rice) bilingue, pas d'expérience requise, bien rémunéré, dernier délai aujourd'hui 14h... 

Elle est déjà au plateau, habillée pour ce genre d'occasion, avec son dossier complet dans la main. Mais il est 13h50minutes, si elle était un oiseau, elle aurait pu s'envoler vers cet endroit qui était à quelques mètres en tournant à gauche à la première rue, à droite à la deuxième rue, puis tout droit, elle allait y être dans quelques secondes, son cœur bat la chamade. Elle court plus qu'elle ne marche. Ca y est elle est arrivée, tout à coup elle a l'impression que son cœur est en train de tomber et ses rêves avec. Elle croise des filles sortant de l'immeuble, des filles belles, très belles, trop belles. Un groupe de trois est même en train de discuter en anglais de leurs études à Oxford. Elle commence à douter de ses chances d’avoir cet emploi. Elle est la dernière apparemment à venir déposer les dossiers. La dame au comptoir réceptionne le dossier : CV, lettre de motivation, bla bla bla, prend son nom, son numéro. ''Après une première sélection, dix personnes seront contactées pour l'entretien final'' lui dit la dame. ‘‘Excusez moi madame’’, elle ose, ‘‘combien sommes nous a postuler?''. ''vous êtes 1012 postulants, si vous voulez bien m'excuser'' La dame fermait son comptoir et s'éloignait avec une liste et quelques chemises à rabats dans les mains. 1012, elle trouvait le chiffre énorme, mais en même temps elle avait sa chance, alors confiante elle sort de l'immeuble, en souriant. Une semaine après, ils l'appellent, elle est parmi les 10 sélectionnés, c'est la fête à  la maison, tout le monde danse, et prie en même temps.


C'est aujourd'hui le grand jour de l'entretien. Elle arrive à une heure raisonnable, ni trop tôt, ni trop tard. 4 sélectionnés sont déjà là. Elle salue poliment avec un petit sourire. Elle s'assied, inspecte un peu les lieux, sort un livre en anglais, s'il vous plait, dont elle commence la lecture. Les autres arrivent, ils sont dix et l'entretien commence enfin. On appelle le premier, ensuite le deuxième et elle comprend qu'elle passera la dernière, parce qu'il suive l'ordre alphabétique et son nom commence par Y, elle soupire, elle s'imagine que le recruteur sera un peu fatigué et ne pourra pas l'interviewer comme il faut et pire encore. Mais bientôt elle se redresse sur la chaise, bombe un peu la poitrine pour se donner de l'allure et continue la lecture de son livre, elle s'était souvenu que pour obtenir un job il fallait être positive, tout le monde lui avait répété cela, alors pourquoi craindre, elle allait obtenir ce job, elle en était sûre. Deux heures après c'était son tour, enfin elle allait pouvoir prouver qu'elle était faite pour ce poste. C'est un homme à l'âge indéfini, plutôt beau et élégant mais à la mine fatiguée qu'elle trouve. ''Présentez-vous svp?'' Elle se présente, avec une mine sérieuse, mais douce et amicale. Il pose une question, puis une deuxième et une troisième, elle se demande maintenant s'il écoute vraiment les réponses qu'elle donne, soudain il lui fait un large sourire, rapproche sa main et la pose sur la sienne sur la table. ''Vous me faites bonne impression, vous savez, vous convenez à ce poste, et après tous ceux qui sont passés, c'est vous qui convenez le plus, c'est un secret mais je vous le livre quand même. Mais tout va dépendre de vous, de ce que vous êtes prête à faire et à démontrer pour l'avoir''. Ses doigts commence  se balader autour de ses bras, il veut la caresser. Elle les retire et s'excuse, elle n'est pas ce genre de filles, qu'est ce qu'il croit. Et contre toute attente, le monsieur à l'âge indéfini lui lance ''ce sera tout mademoiselle''. Quoi? Comment ça ce sera tout? Ah non, ça ne va pas se passer comme ca? Tout de suite elle se tient debout.

Ecoutez, Monsieur KISSI'' ; elle avait lu en rentrant le nom sur le chevalet sur le bureau. ''Tout ce que je veux, c'est un job. Je ne demande pas la lune quand même non. J'ai bossé dur pour avoir mon diplôme, les études ont coûté une fortune à mes parents. Entre parenthèses ma mère m'a toujours dit : ‘‘ma fille sois décente, sois une femme correcte’’ et c'est pour cela que je me suis habillée de cette façon, pas sexy, pas trop près du corps, mon tailleur ne vous plait-il pas? Ça ne fait rien, parce que moi je l'aime bien et il m'a coûté une   petite fortune. Alors votre avis sur mes fringues, ça ne m'intéresse pas. Mais revenons à nos moutons svp, j'ai besoin de ce job, pour vivre, m'épanouir et peut-être m'acheter une Cadillac comme celle-ci, alors j'ai besoin de ce job'' En parlant elle avait soulevé et reposé un modèle miniature d'une Cadillac XLR. Avant qu'il ait pu se rendre compte, elle avait posé un genou sur la table et l'avait saisi par le col tout doucement. ''Vous savez ce n'est pas si difficile de vous faire des gâteries et de vous caresser pour obtenir ce poste.'' Elle se redresse rapidement et avec sa plus grande assurance: '' Mais je ne ferai rien, parce que je pense que je mérite ce poste, j'ai le diplôme, la carrure, la détermination, la volonté, la compétence et l'efficacité requis, alors vous devez me le donner. Et je n'ai pas besoin de vous montrer mes fesses pour l'obtenir. Voici ce que je tenais à vous dire, monsieur''. Le monsieur encore sous le choc de cette furie avait pu remarquer qu'elle avait fait tout ce speech dans un anglais parfait, mais il n'en a cure. Il se lève calmement, la toise quelques instants et d'un ton sec presque brûlant, on entend même à des kilomètres de là: ''Miss....

I don't know, first I am not M. KISSI, I'm just using his office today and second GET OUT.

Elle croyait devenir sourde et ce GET OUT résonnait encore dans ses oreilles, mais elle pouvait toujours parler. Alors dignement elle prend son sac, présente respectueusement ses excuses pour le trouble qu'elle vient de causer et s'empresse de rejoindre la porte. Elle a perdu ce poste, elle le sait, ce poste chéri, le job de ses rêves. Elle n'a pas le courage de chercher d'autres offres d'emploi ou de faire quoi que ce soit d'autre, elle a juste besoin de rentrer à la maison. Elle arrive dans la cour, elle salue à peine, ne répond à aucune des questions qu'on lui pose,  entre dans sa chambre, ferme la porte à double tour et commence à pleurer comme une rivière: chienne de vie de chômeuse, salopards de recruteurs, ce monsieur l'avait mis hors d'elle c'est vrai mais elle aurait pu garder son calme, essayer d'expliquer. En fait ça devait arriver tôt ou tard, tout le monde voulait quelque d’intime avant de donner un job, elle était exaspérée et ce monsieur était la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Elle venait de perdre une chance inespérée de travailler dans la plus grande organisation mondiale.

Finalement elle s'endort, c'est la sonnerie du téléphone qui la réveille. ''Allo mademoiselle YAMI?'' demande une voix de femme au bout du fil. ''Oui, c'est bien elle''. ''C'est le bureau des Pays Allies (PA), vous avez réussi le test, passer demain au bureau pour commencer le travail. On vous donnera toutes les informations nécessaires. A demain.'' Elle a à peine pu dire merci, elle n'a plus de voix, ah si, elle vient de crier, crier si fort, que toute la maison accourt, on essaie d'ouvrir la porte, c'est fermé à clé, on tente encore et encore et finalement on force la serrure, elle est là par terre couchée sur le ventre en train de répéter ''je l'ai eu, j'ai eu le poste, je l'ai eu...''.

NOUVELLE: PEUR D'AIMER...DE DAPHNEY TAREK


Daphney Tarek, auteure de la nouvelle Compteur à zéro, nous gratifie d'un nouveau texte. Encore une fois l'amour est au centre de sa nouvelle. Le cœur et ses caprices, qui bien souvent s'incline pour la personne qu'il ne faut  pas!  Mais le cœur se trompe t-il vraiment? Ne sommes nous pas les seuls responsables de nos chagrins amoureux parce que tout simplement nous avons peur d'aimer?

Mon Prénom est Teddy. Après mes études en sciences économiques en Norvège, je n’ai pas chômé longtemps "la fraicheur" de mes diplômes a eu raison des autres prétendants au poste de responsabilité que j’occupe dans l’une des plus grandes banques du pays. D’un point de vue pécuniaire je suis, comme dirait-on à l’abri du besoin.


"Profession : Analyste financier

Taille : 192 cm

Couleurs des yeux : gris

..."

C’est entre autre quelques informations qui figurent sur la page de signalement de mon passeport que je tiens en main. Je regarde ma photo.On dit que je suis beau. Depuis que je suis tout petit on me le rabâche sans arrêt.

Mes yeux gris je dois les tenir de grand-père ; le papa de maman. Il est norvégien. Je lui dois une fière chandelle. Pour draguer, je peux attester que ça sert !
En général, je n’ai juste qu’à dire bonjour, mes yeux font le gros du boulot. Ma carte de crédit Gold finit de les achever. C’est d’une facilité énervante même des fois.

Dans quelques heures je prends l’avion pour New York… j’ai pris mes vacances. La vérité c’est que je fuis. Quoi ?Le pétrin dans lequel je me suis fourré.

Qui ?Une femme; c’est vrai que je devrais être habitué  à les voir me courir après. N’est-ce pas mon train-train quotidien ? Mais cette fois c’est différent.

C’est Marion, la fiancée de Franck  mon cousin. Elle ne veut plus se marier ; pour moi .


J’ai cru que j’allais défaillir quand elle m’a dit cela, au restaurant d’un grand hôtel il y a quelques jours ;on avait pris une table un peu cachée. Cela expliquait le fait qu’elle soit aussi désinhibée. Elle m’avait embrassé en guise de salutation. Tout de même ; Le restaurant était bondé de monde
Comment j’en étais arrivé  à ça?  Je ne comprends pas moi-même, je vous assure.
On ne l’a fait qu’une ou  peut être deux fois, mais c’est tout.

On ne quitte pas son mari comme ça ! Sur un coup de tête.
-Tu es folle, Marion ! 
-Folle de toi, teddy!
-T’as pensé à Franck ?  le mariage est dans moins d’un mois.
-Justement !  je préfère le quitter maintenant plutôt que de vivre un mariage basé sur des mensonges. Je t’aime Teddy

Mon Dieu ! Qu’est ce qu’elle raconte??  Elle dit qu’elle m’aime !  Comme ça ? Pour rien ? Ça c’est le propre des femmes .Toujours à utiliser les mots hors de leurs contextes. Je comprends maintenant pourquoi on les appelle le sexe faible. Attirance, désir, physique, pulsions, pour ne citer que ceux là ! Dans la langue française, il y avait  tellement de mots pour qualifier ce qu’il se passait entre nous !
Amour. Où est ce qu’elle était allée dénicher celui là ? A quel moment elle avait commencé à croire que c’était de l’amour ? Quand je plongeais mes yeux dans les siens  avant de l’embrasser ?
Ou quand après nos ébats  particulièrement relevés, je dois le reconnaitre, je lui disais qu’elle était  une femme magnifique ?  Chose que je pensais vraiment. 

Tout le monde savait que Marion  était intelligente, avait un joli minois, des formes alléchantes, mais personne n’imaginait tous les talents insoupçonnés dont j’avais eu la chance de profiter ; comme une fois, inoubliable,  avec sa bouche, elle avait … bon ! Souffrez que je vous épargne  les détails. Elle a vraiment pété les plombs. J’ai essayé de la raisonner. 

-Princesse  – je l’appelais comme ça pendant nos moments à deux …comprenez ! C’était histoire de nous mettre dans l’ambiance –on ne peut pas faire ça à Franck ? Que vont dire les parents? Tu sais que sa maman est hypertendue ? 
-Je sais que ça va être dur, mai on sera deux ; on va leur faire comprendre. 
-C’est vrai que les moments qu’on a passé sont très marquants mais valent-ils la peine de renoncer à la stabilité que Franck est prêt à t’offrir ? 
-C’est avec toi que je veux faire ma vie Teddy. Tu as ouvert  les yeux de mon cœur. En deux semaines tu m’as fait ressentir ce que ton cousin n’a jamais pu me faire ressentir depuis 6 ans. 

Je n’en croyais  pas mes oreilles. Je me demande ce qui m’a inspiré cet écart de conduite. De toutes les femmes avec lesquelles je pouvais batifoler ces dernières semaines, pourquoi a t-il  fallu que ce soit avec celle de Franck ? Mais je ne suis pas le seul fautif dans cette histoire. Franck aurait pu demander à un de leurs chauffeurs de conduire sa fiancée pendant ses courses. Il aurait fallu être là pour voir comment  j’ai résisté. C’est elle qui a avait commencé à me parler de ses doutes. Vous savez, ceux que toute personne sur le point de sauter les deux pieds joints dans l’aventure du mariage aurait. Ces doutes  qui leur font se poser des questions du genre : est-ce que c’est la  bonne personne ? Est-ce que je suis vraiment prêt pour ça ?  Est ce que je l’aime ? Quand je l’ai prise dans mes bras la première fois, c’était pour la rassurer, lui dire que c’était normal de douter avant de faire un si grand pas. Un câlin fraternel. Et puis lui est venue cette idée de faire une surprise à son mari. Elle voulait lui interpréter « leur chanson » au piano et voulait que je sois son professeur de musique pour la circonstance. En gentil futur beau cousin que j’étais, c’est volontiers que j’avais accepté de lui donner les cours tous les après midi dans mon appartement. 

Premier cours ; un samedi. A 16h on sonne ; c’est Marion. J’ouvre la porte. -
Salut Marion ; ca va ? 
-Super bien merci Teddy, toi ca va ?
-Oh plutôt bien. je referme la porte derrière  elle. 

Je ne peux m’empêcher de remarquer que sa robe lui va à ravir. -Tu es magnifique! -Merci, toi aussi. Ça m’avait semblé bizarre. 

-Ne fais pas de manières voyons, assieds-toi ! Je te sers quoi à boire ? 
-Tu aurais de la limonade ? 
-Limonade. parfait je te l’apporte tout de suite! 

Quand je revenais, elle était déjà installée  devant le piano. 

-Tu veux qu’on s’y mette tout de suite on dirait ! Tu n’imagines pas tout le boulot qui t’attends… 

4ème cours.

Je me suis installé auprès d’elle. Elle sentait si bon…Ses mains se posaient sur le piano entre deux gorgées de limonade. La glace avait rosi ses lèvres, elle était bizarrement irrésistible. Autre chose tout aussi  bizarre ; on aurait dit qu’elle me faisait de l’œil, me souriait malicieusement comme si elle mijotait quelque chose. Assis à coté d’elle, une multitude de pensées suggestives se bousculaient dans ma tête. J’avoue que j’ai désiré Marion.    
  5ème  cours.

J’étais pourtant résolu à contraindre mes pensées à suivre le droit chemin, mais rien n’y fit, et mon mur de défense s’écroula lorsque je senti son pied effleurer le mien. La première fois je me suis dis que c’était involontaire mais à la troisième,  la boite de pandore était ouverte. Je la regardai, ses yeux étaient braqués sur mes lèvres. L’appel n’était il pas assez clair ?  Je n’aime pas les histoires, mais quand on me provoque je réagi promptement.

Elle criait mon nom, je sentais des spasmes parcourir son corps…
Rassasié de ce que j’avais convoité, je me souvenais que c’était Marion que je tenais dans mes bras.
J’ai cédé une fois après… bon, une autre fois ensuite j’avoue, pour respecter l’adage «jamais deux sans trois ».

J’ai du mettre fin au cours, pour éviter de perdre le contrôle des choses. S’il n’y avait pas mon cousin, peut être que…

D’accord ! Mais Franck existe bel et bien, et il veut passer avec elle le reste de sa vie ! De  quoi me parlait-elle alors? Hors de question qu’elle le quitte pour moi.

-Marion sois raisonnable s’il te plait. Ce qu’on a vécu était intense, mais ne vaut pas la peine qu’on chamboule  l’harmonie d’une famille.
-Teddy chéri, on peut faire face à ça, ensemble. J’en parle à Franck ce soir.
- et qu’est ce que tu vas lui dire ?Que tu remets six années de relation en cause, pour du sexe ?
- c’est tout ce qu’il y entre nous teddy, du sexe ?
- excuse moi, ce n’est pas ce que je voulais dire, mais Marion…
- je rentre.
- t’es fâchée ?
- laisse tomber.
- je ne voulais pas te blesser princesse, crois moi, s’il n’y avait pas Franck…
- alors si tu ressens la même chose que moi, laisse-moi lui parler.
- Ca me fait peur...
Personne n’a rien rajouté, on s’est levé après avoir déjeuné. Je l’ai raccompagnée à  sa voiture. J’ai posé un délicat baiser sur ses lèvres et je suis parti.

*****


Il est 21h, mon vol est pour 21h30.  Je suis au poste d’enregistrement. Marion  m’appelle, elle vient de sortir de  l’appartement de Franck. Elle a mis fin a leur fiançailles. Je n’en reviens pas. Elle dit qu’elle me rappelle.

Quelques minutes plus tard. Mon téléphone sonne encore ; je décroche ; ce n’est pas Marion mais Franck ; Il pleure.

Les passagers du vol N7Y89, Rock air à destination de New York, sont priés de se présenter à la porte n°3 pour embarcation immédiate ». Je dis au revoir à Franck.  Je me dirige vers la porte n° 3.

vendredi 29 juillet 2011

NOUVELLE: LE PASSAGE SECRET...DE LUISIANO N'DOHOU


Pour ceux qui ont fait l'internat comme moi, on sait qu'il est parfois long d'attendre le jour officiel de sortie pour aller voir si le temps est beau dehors. Contrairement à moi, certains et dans notre cas certaines utilisent des passages secrets pour se faufiler loin de la surveillance rigoureuse des éducatrices...et parfois les aventures et les mésaventures rencontrées méritent bien d'être écrites dans une nouvelle. 
C'est ce cadeau que nous fait Luisiano N'dohou en nous racontons l'histoire de Maryvonne dont le père extrêmement sévère et suspicieux la place à l'internat au Lycée Sainte Marie de Cocody. Je ne sais pas pourquoi l'auteur a choisi mon ancien lysée comme cadre de cette nouvelle mais bon...lol...Enjoy!

Maryvonne tombait des nues. Son père venait, d’un ton péremptoire, lui interdire de prendre part au bal de fin d’année de son lycée. Elle avait cru bien faire et mettre toutes les chances de son côté en lui demandant la permission une semaine à l’avance. Les festivités commençaient avec la journée porte ouverte et le clou de la fête, c’était le bal de fin d’année au Palais des Congrès de l’Hôtel Ivoire.
- Mais papa, c’est le bal de toute l’école et toutes les filles seront présentes excepté moi ? Comment expliques-tu cela ? reprit-elle pour tenter de lui faire changer d’avis.
- Je n’ai rien à expliquer ! Je ne veux pas que tu y sois, c’est tout ! Tu assisteras naturellement à la journée porte ouverte, mais il est hors de question que je te laisse aller à un bal qui finit à l’aube. Dieu seul sait ce qui se passe réellement à ce genre de manifestations ! déclara M. Aka.
Puis il porta son verre de vin à ses lèvres et n’accorda plus la moindre attention à sa fille.
Maryvonne tremblait de colère contenue. C’était impensable qu’elle se heurtât à ce refus buté de son père alors que cette demande n’aurait dû être qu’une formalité. Ce bal était l’occasion pour toutes les filles de se divertir ensemble avant de se dire au revoir car il n’y avait plus cours après. Et puis elle avait bien travaillé en classe ; elle avait obtenu une moyenne de 13 sur 20. Elle était d’ailleurs classée 3ème de sa classe. Après de tels efforts, elle estimait avoir  le droit de s’amuser pour décompresser quelque peu. Elle revint donc à la charge :
- Papa, la Directrice et toutes les éducatrices seront également présentes à ce bal pour nous chaperonner. Tes inquiétudes sont donc sans fondement…
- Inutile d’insister, tu n’iras pas à ce bal ! Tu es ma fille unique et je veux que tout le monde sache que je t’ai bien éduquée. Tu dois par conséquent arriver au mariage en ayant préservé tout ta pureté ! Ceci est tellement important que je ne peux pas faire confiance à tes éducatrices. Vous pouvez être parfaitement de mèche pour quelque coup tordus !
En entendant ces dernières paroles de son père, Maryvonne fut déconcertée. Son père ne plaisantait donc pas avec ses idées farfelues. Elle tourna la tête du côté de sa mère et, d’un regard implorant, sollicita son soutien.
Mais Mme Aka ne lui fut d’aucun secours. Depuis quelque temps, son époux était assez désagréable avec tout le monde et s’emportait pour un rien. Si d’aventure, elle intervenait en défendant la cause de leur fille, il le prendrait certainement mal ; ce qui risquait de déboucher sur une dispute qu’elle voulait à tout prix éviter.
Maryvonne comprit alors qu’elle n’avait plus le moindre recours. Elle fit des efforts pour ne pas éclater en sanglots. Elle sentit un poids lui barrer l’estomac et lui ôter tout appétit. Elle posa sa fourchette et son couteau, recula sa chaise et se leva.
- Permettez-moi de me retirer, dit-elle, avec un trémolo dans la voix.
Elle quitta la table avec une pénible sensation d’étouffement. La salle à manger semblait subitement trop étroite pour contenir sa douleur. Elle grimpa les escaliers jusqu’au premier étage, ouvrit brusquement la porte de sa chambre et se jeta sur son lit. Elle donna libre cours à sa peine et pleura toutes les larmes de son corps. Plus elle analysait la situation et plus elle la trouvait absurde. Pourquoi son père était-il si sévère avec elle ? Pourquoi la surveillait-il tant. Pourquoi après son obtention du BEPC il avait fait des mains et des pieds pour le mettre au lycée Sainte Marie, l’avait fait entrer à l’internat ? Et seuls sa mère et lui avaient droit de visite… Non, il n’avait pas le droit de se comporter ainsi avec elle. Elle était à présent une grande fille de 17 ans et pouvait flirter avec son petit ami.
Maryvonne sécha ses larmes, s’assit sur son lit et se perdit dans ses pensées. Elle qui comptait sur ce bal pour passer un agréable moment avec Eric, voyait tous ses projets ruinés par la seule volonté de son père. Son regard parcourut la chambre et s’arrêta sur chaque objet. Elle considéra longuement tous les ces bibelots pour se rappeler un heureux souvenir et une joie passée. Mais seule une tristesse muette se dégageait de ces objets sans âme. Non, cette chambre ne lui rappelait qu’un bonheur enfantin. Aujourd’hui, elle aspirait à d’autres joies plus profondes, plus intimes… Comme cette sensation à la fois étrange et délicieuse qui lui chatouillait le ventre, juste en dessous du nombril et embrasait tout son être chaque fois qu’elle pensait à Eric, ou quand elle était dans ses bras et qu’ils s’embrassaient…
Non, elle n’allait pas céder aux caprices de son père et risquer de perdre celui qu’elle aimait. Elle ferait tout pour retrouver le bonheur que lui procuraient leurs randonnées au clair de lune, leurs éclats de rires fous, sans raison apparente, juste parce qu’ils étaient heureux d’être ensemble. Et puis, elle ne faisait rien de mal ; ils ne faisaient que flirter. Elle avait conscience de toutes les maladies qui guettaient les jeunes…
Toutes sortes de pensées se bousculèrent dans la tête de Maryvonne parce qu’elle devait trouver une solution à son problème. Cependant, elle n’arrivait pas à réfléchir efficacement. Elle finit par s’étendre, toute habillée, trop lasse pour se dévêtir.
Recroquevillée en chien de fusil, elle fut secouée par un dernier hoquet de douleur avant de sombrer dans un profond sommeil.
Le lendemain, son père la déposa au lycée. C’était la dernière semaine qu’elle passait à l’internat avant les grandes vacances. Toutes les filles étaient réquisitionnées pour mettre de l’ordre dans l’établissement. Celles qui avaient des rôles à jouer pour les manifestations mettaient la dernière main aux répétitions.
Maryvonne devait chanter en duo avec Marguerite. Les deux jeunes se ressemblaient énormément. D’aucuns disaient qu’elles avaient un air de famille. Traits fins et réguliers, formes harmonieuses, silhouettes élancées, elles étaient toutes les deux très belles.
Quand Maryvonne arriva au Lycée Sainte Marie en classe de 2nde, un élan de sympathie aurait dû mener les deux jeunes filles l’une vers l’autre, dans une éclosion d’amitié. Mais il n’en fut rien. Une sourde rivalité les avait immédiatement opposées.
Margueritte, plus ancienne dans le lycée, était la plus hostile. Avant l’arrivée de son sosie, elle était la coqueluche de l’établissement. Son air effronté et son sens de la répartie avaient fait d’elle le porte-parole des élèves auprès de l’administration. Avec l’arrivée de Maryvonne, elle se sentit non pas éclipsée, mais égalée et son domaine partagé. Du reste, la ressemblance entre les deux jeunes filles s’arrêtait au physique. Autant Margueritte était frivole et tapageuse, autant Maryvonne était sobre, presque réservée, ne manifestant pas d’intérêt sur ce qui la concernait pas directement.
Pendant les répétitions, Margueritte, comme à son habitude, mettait tout en œuvre pour être le point de mire. Elle parlait à la cantonade et posait pour la galerie en exhibant sa nouvelle montre et ses nombreux bijoux en or. Les filles chuchotaient d’ailleurs à ce sujet que Margueritte avait désormais une source de revenue autre que l’argent que ses parents lui donnaient.
Après les répétitions, Maryvonne ne monta pas immédiatement dans son dortoir. Sa tristesse de la veille était revenue et elle flâna dans la cours de l’école comme une âme en peine. Jamais auparavant, elle ne s’était rendue dans le bâtiment où avaient lieu les répétitions. Il était isolé des salles de classe et des dortoirs. Maryvonne fut surprise de constater qu’il ne délimitait pas l’enceinte du terrain. Il y avait un espace qui le séparait de la clôture. Et parmi les herbes, le sol était foulé et créait une piste quasiment invisible que Maryvonne emprunta comme un automate. Elle découvrit qu’entre les tiges de la haie d’hibiscus qui servait en fait de clôture, il y avait un espace par lequel une personne pouvait se glisser pour sortir de l’établissement, rien qu’en écartant les feuilles. Il s’agissait manifestement d’un passage secret. Le cœur de la jeune fille se mit à battre la chamade à cause de cette découverte… Des filles de l’internat usaient-elles de ce passage en catimini ? Si oui, pouvait-elle en faire autant ? Toutes sortes de questions déferlaient en elle, pendant qu’elle longeait la clôture. Un moment, elle aperçut une voiture de l’autre côté, sur la route. C’était une ML bleue nuit aux vitrés teintées, comme celle de son père. Mais elle n’eut pas le temps de bien voir le véhicule qui démarra aussitôt. Mais comme dans un rêve, elle entrevit un profil singulier au côté du chauffeur… Elle flâne encore quelques moments avant de retourner au dortoir.
La journée porte ouverte fut formidable. Toutes les prestations furent très réussies aux dires des participants. Surtout les deux jeunes filles qui  chantèrent en duo donnèrent le meilleur d’elles-mêmes et furent attendrissantes de charme.
- Bravo, les jumelles, lança quelqu’un dans la foule.
Mais Maryvonne avait leur cœur en peine. Ne voulant pas faire bonne figure contre mauvaise fortune, elle s’échappa de l’amphithéâtre très rapidement, alors même qu’un tonnerre d’applaudissements saluait longuement leur prestation. Margueritte, heureuse au-delà de toute expression, s’éternisa sur le podium à récolter les lauriers du succès.
Maryvonne parvint rapidement à l’autre bout de l’école, comme si ses pas la conduisaient d’eux-mêmes, sans sa volonté propre. L’endroit était calme et paisible. Les derniers gazouillis des oiseaux dans les arbres, le bruissement du vent dans les acacias et le parfum capiteux qu’exhalaient les fleurs étaient un hymne à l’amour qui transporta son âme.
Soudainement, elle réalisa qu’elle pouvait utiliser le passage secret pour s’échapper. Son père était parti en mission le matin même et sa mère, retenue par une importante réunion n’avait pas pu prendre part aux festivités de son école. Elle était accompagnée par le chauffeur qui avait reçu la ferme instruction de la ramener à la maison. Et ce dernier, comme un cerbère, l’attendait au portail de l’entrée.
Maryvonne remercia le ciel pour ce passage secret pendant qu’elle se glissait entre les tiges d’Hibiscus. Elle se retrouva de l’autre côté, dans la rue déserte. Elle pouvait, à la faveur de la nuit, rejoindre Eric qui l’entendrait certainement chez lui. Elle n’avait pas osé lui dire qu’elle ne pouvait pas se rendre au bal. Son cœur battait à un rythme fou. Elle fit un pas, puis un autre, se retenant difficilement pour ne pas courir. Au moment où elle parvint au tournant, un véhicule déboucha derrière elle et vint s’immobiliser à ses côtés. Du coin de l’œil et sous la clarté vespérale, elle reconnut la ML de son père. La portière s’ouvrit dans une invitation à monter.
Il était trop tard pour fuir. Hébétée, hagarde, la tête tournée dans le sens opposé à la voiture, Maryvonne y monta et s’assit à côté de son père. La voiture démarra.
Elle avait tellement honte qu’elle gardait la face rivée sur la vitre de sa portière. Elle se creusait les méninges pour trouver une justification plausible qu’elle fournirait à son père quand il se déciderait à l’interroger. Ce fut alors que la voix de ce dernier la tira de ses réflexions :
- Ma Margueritte adorée, tu ne sais pas à quel pont je me sens bien à tes côtés, commença M. Aka d’une voix chaude et câline que sa fille ne lui connaissait pas. Je suis tellement heureux de passer ces quelques jours avec toi à Assinie. Il n’y aura que toi et moi au bord de la mer… Je veux te combler, t’offrir ce qu’il y a de plus beau… de plus cher au monde…
Pendant qu’il parlait, M. Aka enveloppa le genou de Maryvonne avec sa paume libre. Cette dernière avait immédiatement compris que son père se père se trompait de personne. Il pensait être aux côtés de Margueritte, sa maîtresse. Le passage secret était donc celui par lequel Margueritte rejoignait son père. Et se dernier était venu à leur rendez-vous. C’était donc la voiture de son père qu’elle avait vue la dernière fois, alors qu’il était censé être parti en mission, comme aujourd’hui d’ailleurs ? Et ce jour-là, la personne qui était à ses côtés dans la voiture était Margueritte. Il n’y avait pas le moindre doute, c’était son père qui offrait les nombreux bijoux à Margueritte. Ainsi, il se donnait du bon temps avec une fille du même âge que la sienne pendant qu’il lui refusait à elle, tout divertissement. Elle décida de tirer partie de cette situation inespérée en le laissant s’enferrer davantage dans sa bête.
D’ailleurs, la voix de son père reprit :
- Tu sais, ma petite Margueritte, ma vie a véritablement commencé le jour où j’étais venu dans votre lycée chercher Maryvonne et que je t’ai pris pour elle. Te confondre avec ma fille fut la plus belle erreur de ma vie car depuis lors, tu illumines mon existence…
Ce fut plus que ne pouvait en supporter Maryvonne et elle interrompit son père :
- Cette fois-ci, tu fais la confusion inverse, Papa ! Tu prends ta fille pour ta maîtresse. Dis-moi, tu ne crois pas que le père de Margueritte voudrait également que sa fille arrive vierge au mariage comme tu l’exiges de moi en me le répétant sans cesse ? reprit-elle avec plus de véhémence.
Eberlué, les yeux exorbités comme s’il était en face d’un fantôme, M. Aka rata un tournant. Heureusement qu’il eut le réflexe de freiner au moment où sa voiture était à quelques centimètres d’un des arbres bordant l’avenue.
- Ma… Ma… Maryvonne ? fit-il en regardant fixement sa fille.
- Oui, papa chéri, c’est bien moi !
- Ma… Ma… chérie, tu sais que que je veux te… te… te faire… pa… pa… passer tes vacances aux Etats-Unis…
- Mon petit papa chéri, je… Je… Ne… Ne savais pas que tu bégayais… Ecoute, je n’ai pas du tout envie d’aller passer mes vacances aux Etats-Unis, tu me l’as toujours refusé. Mais ne t’inquiète pas, l’histoire du passage secret restera notre petit secret, juste toi et moi… Enfin, si tu es gentil !

                                               *          *          *
                                                    
      *          * 
Quand Maryvonne et son père rentrèrent à la maison, elle était tout excitée et ses yeux pétillaient de malice. Un sourire énigmatique flottait sur ses lèvres, à la grande surprise de sa mère.
- Maman, papa vient de me donner la permission de me rendre à mon bal de fin d’année. Je vais me doucher, me changer et il me raccompagnera chez Eric. Quand il reviendra vous partirez pour Assinie tous les deux. Il a vraiment envie d’être en tête à tête avec toi et c’est la raison pour laquelle il n’est plus parti en mission. Tu ne sais pas à quel point il se sent bien d’être à tes côtés. Il est tellement heureux de passer ces quelques jours avec toi à Assinie. Il n’y aura que vous deux au bord de la mer, articula Maryvonne en regardant fixement son père dans les yeux.
La mère de Maryvonne était tellement surprise qu’elle en resta sans voix quelques minutes.
- Comme je suis heureuse, ma chérie ! Il y a si longtemps que ton père et mon n’avions pas eu ce genre de moment à nous tous seuls. Mais comment à tu fais pour le convaincre ?
- Rien de plus facile, maman ! Il a juste suffit d’un passage secret !

TRADUIRE LE BLOG DE YEHNI DJIDJI

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