Symphonie nous avait déjà gratifié d'une micro nouvelle CAUSERIES que vous avez apprécié. Avec cette nouvelle, elle aborde le thème de la vie en couple et les crises récurrentes qu'engendre l'absence de progéniture à travers une lettre.
Cher Salomon,
Cher Salomon,
Depuis
hier tu sais que je suis enceinte. Tu as dansé de joie, tu m’as couvert
de baisers et surtout tu m’as fait l’amour comme à une reine. Dans ton
entreprise tout le monde sait que je suis enceinte, je le sais parce que
ta secrétaire m’a félicitée dans la journée quand j’ai appelé pour te
parler. Mais pendant que tu ouvres cette lettre, tu te rends que compte
mes affaires ne sont plus dans la chambre et que je suis partie. Alors
tu vas te demander pourquoi ? C’est normal, tout allait si bien, dans 7
mois, on allait être les parents les plus heureux du monde avec ce bébé
que tu appelles déjà mon trésor. Pourquoi je m’en vais donc, alors que
ce matin, je t’ai dit au revoir avec un doux baiser, tu étais tellement
heureux. J’ai
décidé donc de t’écrire et de tout t’expliquer. Je
te quitte alors que tu n’as rien vu venir, parce que je suis une bonne
élève, j’ai appris de toi, j’ai tout appris avec toi. Tu devrais être
fier.
Le jour où le docteur Kpuikpui
m’a dit que j’étais enceinte, j’étais tellement heureuse. Tu t’imagines
bien que ces dix ans de vie commune durant lesquelles je n’ai pas pu te
donner un enfant ou même une fausse couche, ont été dures pour moi,
alors quand il m’a dit que j’étais enceinte, je me suis presqu’évanouie
dans son cabinet.
J’ai
toujours pensé que j’étais stérile, je me disais que c’était
prévisible. Comme tu le sais j’ai fait deux avortements et j’ai été
opérée deux fois à cause de myomes dans l’utérus, j’étais donc sûre que
j’étais stérile. Comme je voulais savoir vraiment pourquoi je ne te
faisais pas d’enfants, nous sommes donc allés consulter le médecin, le
Dr Kpuikpui, ah le Dr Kpuikpui, ton cher et tendre ami, ton médecin de
famille, les examens ont révélé que je n’étais pas stérile et que toi
non plus tu ne l’étais pas. Le médecin m’a encouragé à être patiente,
mais j’étais convaincue que j’étais stérile, peut-être était-ce une
malédiction, physiquement je n’avais aucun mal mais peut-être que depuis
le ciel on me
punissait parce que j’avais tué deux êtres humains. Je pleurais les
deux enfants que je n’ai jamais eus tous les jours, je les imaginais en
train de me juger et me punir parce que je les avais pas aimés et
gardés. Mais tout ça tu le sais puisque tu étais là, tu étais là durant
ces nuits blanches. Tu as été un bon mari pour moi, je l’avoue. Tu avais
les mots et les actes pour calmer mes craintes et mes peurs.
J’aurais
dû deviner que quelque chose ne tournait pas rond le jour où je t’ai
annoncé que j’étais enceinte de deux mois, j’aurais dû. Tu avais attendu
cette grossesse toute ta vie et tu ne t’ais même pas mis un tout petit
peu en colère quand je t’ai annoncé la nouvelle au deuxième mois de
grossesse. Avant la joie, tu aurais pu être un peu fâché, un peu triste,
je ne sais pas, j’étais sûre que tu aurais aimé aller avec moi faire le
test de grossesse. Mais non, tu as juste dansé de joie et on a fait
tout ce qu’un couple heureux peut faire ensemble.
Un
autre fait bizarre, c’est que depuis que je me suis marié avec toi, je
me sens belle chaque jour, même quand je ne m’apprête pas de façon
particulière. Je veux dire plutôt que les hommes me trouvaient belle, je
ne sais pourquoi. J’ai eu des dragueurs tout au long de nos dix années
de mariage et des dragueurs assidus surtout. Je t’en parlais toujours,
tu trouvais cela drôle, et rien de plus. Une fois tu es quand même allé
jusqu’à me demander si ça m’intéresserait de coucher avec l’un d’entre
eux, parce que selon toi, j’avais une façon particulière de le regarder.
Bizarre. Il y a eu des grands, des courts, des noirs, des jeunes, des
moins jeunes et enfin il y a eu ton frère, Pierre-Elie.
Tout
a commencé le 24 Décembre dernier quand tu t’es mis en colère pour une
affaire de cuisse de poulet et que tu es allé dormir à l’hôtel. Affaire
de cuisse de poulet, vraiment ça n’avait pas de sens, mais tu m’as quand
même laissé seule toute la nuit. Et ce scenario a duré toute une année,
tu étais absent, désagréable, ah, si tu savais comme je me suis sentie
coupable durant tout ce temps. En ce temps-là si Satan m’avait demandé
mon âme en échange d’un enfant, je crois que je la lui aurais donnée. Je
pensais que tu me trompais, après j’ai su que tu ne pouvais pas me
tromper et que tu ne l’avais jamais fait, certainement tu t’éloignais
parce que j’étais une femme au ventre sec, une femme porte-malheur. A
partir de janvier ton
frère a commencé à venir régulièrement à la maison, trop régulièrement
même. Il était si attentionné, j’avais l’impression de te retrouver,
mais lui il était plus fou et plus drôle. Je me suis beaucoup amusée en
sa compagnie. Mais je me demandais comment il faisait pour avoir autant
de temps à me consacrer et comment toi tu faisais pour être aussi
occupé, puisque vous faîtes le même travail, vous avez les mêmes
responsabilités et en temps normal, le même nombre d’heures de travail.
Mais lui il était là, toujours là, surtout quand tu n’étais pas là. Et
puis il a commencé à me faire des avances, en réalité il était doux, il
me faisait sentir que je lui plaisais sans jamais me faire la cour
ouvertement. Finalement ses efforts ont payé, on a couché ensemble,
exactement le 17 juillet dernier. C’est arrivé, alors que tu étais en
mission à Oslo, je me sentais tellement seule sans toi et comme s’il le
savait, il
m’a proposé ses services. Je ne sais plus si j’ai accepté, mais à la
fin j’étais dans notre lit avec lui. Je me suis sentie si malheureuse
après cet évènement et j’avais juré de te l’avouer à ton retour d’Oslo.
J’étais prête à subir tous les châtiments de la
terre, après tout je le méritais. Et tu es arrivé ce 19 Juillet avec une
humeur et un sourire qui m’a fait perdre toute envie de te raconter mon
adultère. Alors je me suis tue, je te retrouvais
encore plus amoureux. Au fait le bijou que tu m’as rapporté est
magnifique, mes copines étaient jalouses à en mourir à la vue de ces
diamants splendides, mais je ne peux pas le garder, tu le trouveras sur
ton bureau. Je me suis donc tue et la vie a
continué jusqu’à ce que je ressente des malaises et que j’aille me faire
consulter.
Dès que le médecin m’a dit que j’étais enceinte, j’ai couru à ton
bureau, tu étais en réunion, alors je suis allée me cacher dans la salle
d’eau, la secrétaire n’avait pas le droit de te dire que j’étais là.
«C’est une surprise » je lui ai dit. Et c’est dans ton bureau, cachée
dans la salle d’eau que j’ai appris que tu n’étais pas le père de mon
enfant. Pour la deuxième fois de la journée, j’ai failli m’évanouir.
Quand tu arrivais dans ton bureau, je t’entendais remercier ton frère
pour ce qu’il avait fait pour toi, mais tu étais inquiet, par ce que je
ne te parlais pas de malaise ou de grossesse depuis ton retour. Tu avais
peur qu’il faille tout recommencer. Pour toi j’étais une bonne femme,
une très bonne femme même, mais une femme trop difficile, aucun des
hommes avec qui tu avais réussi à me mettre en contact ne m’intéressait.
Tu avais tout essayé, mais rien. J’étais
désespérément fidèle, comme si c’est ce que tu me demandais, toi tu
voulais me donner un gosse et c’est tout. Je ne comprenais plus rien.
Pendant dix ans tu avais placé tous ces hommes sur ma route pour que je
couche avec l’un d’entre eux et que je tombe enceinte ? Même ton frère
était un de tes pions. Avant de tirer des conclusions bizarres, il
fallait que je sache. J’ai donc attendu que vous partiez, j’ai failli
pousser des racines dans cette salle d’eau, tu sais, 4 heures avant que
tu ne te décide à sortir de ton bureau. Je me suis dirigée directement
chez notre cher et tendre médecin, je t’avais dit que je lui plaisais
bien. Ça n’a donc pas été difficile d’avoir de vrais informations, un
visage de chien battu, quelques menaces, un sourire triste, et il m’a
tout raconté. Lui, il t’avait donné tous les conseils nécessaires, il
t’avait encouragé à me dire la vérité, pour lui j’étais une femme
compréhensive, je t’aimais et je pouvais te comprendre. Tu n’as jamais
rien voulu savoir. En réalité depuis toujours tu sais que tu es stérile,
le premier bilan de santé que ta mère t’as fait faire, lorsque tu avais
13 ans l’a montré. Tu n’allais jamais faire d’enfant. Tu as passé toute
ta vie à mentir à celles que tu as rencontrées. A certaines tu as dit
que tu n’étais pas prêt pour avoir un enfant, à d’autres que tu n’étais
pas assez amoureux pour fonder une famille avec elles, autant de
mensonges que tu as développés pour cacher ta stérilité et je suis
apparue dans ta vie. Tu m’as aimé tout de suite, c’est Dr KPIKPI qui le
dit, et tu ne voulais pas me perdre. Comme tu n’arrivais pas à m’enlever
cette histoire d’enfant de la tête, tu t’es imaginé que si tu
réussissais à me mettre dans le lit de quelqu’un d’autre, je tomberais
enceinte, et on aurait un enfant. Personne ne se douterait de rien,
pas même le vrai père de l’enfant. Alors depuis le début tu savais que
tu ne serais jamais le père de mon enfant. Et tu
m’as menti pendant dix ans. Finalement je me pose ou plutôt je te pose
la question : Qu’est ce qui était vrai dans notre relation ? M’as-tu
aimé un jour ? Pourquoi autant de mesquineries pour un enfant ? De
toutes les façons tu n’auras pas l’occasion de me répondre, ça c’est
sûr. Au moment où tu lis cette lettre, je suis déjà quelque part à des
milliers de kilomètres de toi. S’il te plaît, laisse- moi faire une
pause, accepte que je te quitte sans faire d’histoires et de scandales,
si Dieu le veut, on se verra un jour. Pour l’enfant, ne t’inquiète pas,
je saurai m’en occuper.
Je t’ai aimé.
Ta femme adorée, Prunelle.
Joli plaidoyer pour femme infidele. Un message a peine subliminal, les femmmes ne font que rendre aux hommes le mal qu ils leur font. Plaisant, bien ecrit et agreable a lire
RépondreSupprimerMerci Jos Gueb, j'ai lu le médiateur et j'espère que nous aurons le plaisir de lire d'autres nouvelles aussi originales et croustillantes.
RépondreSupprimerSymphonie
Tout dépend de notre éditeur adorée Yehni...si l'an prochain elle ouvre une autre session, nous aurons l'occasion de partager d'autres cabrioles, lol !
RépondreSupprimerQui sait, qui sait...@Josué Guébo...
RépondreSupprimerParfois, seule la vérité suffit. Le mensonge entraîne bien des problèmes...Joli partage Symphonie
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