Merci à Daphney Tarek pour sa contribution . Dans "Compteurs à zéro", ce sont les amours entrent enseignants et enseignés qu'elle revisite.
L’orage avait éclaté toute la nuit. Sasha, se retournait sans cesse dans son lit ; Normal. Comment arriver à fermer les yeux quand il savait que tout se jouerait dans quelques heures ?
A exactement six heures du matin, il résolut de quitter son lit. S’il ne voulait pas être en retard, il savait que c’était le bon moment pour commencer à se préparer. Sa mère se moquait souvent de lui en l’appelant « mademoiselle ». Ne disait- on pas que les femmes mettaient beaucoup de temps à se préparer ? A lui Sasha, il fallait au moins une heure et demi pour être totalement prêt.
« Toc toc toc » : on frappait à sa porte ; c’était probablement sa mère qui venait le réveiller.
Il ouvrit la porte. Comme à son habitude sa mère entrait dans sa chambre sans qu’il ne l’y ait invitée.
-Bonjour mon cœur ! lui lança sa mère en l’embrassant sur la joue.
Sasha se demandait comment elle faisait pour être toujours aussi joviale les matins.
-Bonjour maman, répondit Sasha nonchalamment.
- Bien dormi ? Pas trop stressé ?
- Un peu, mais bon… »
- Ne t’inquiète pas, tout se passera bien.
- Allez « Mademoiselle » ! Files dans la douche ; il ne faudrait pas être en retard !rigola sa mère en sortant aussi vite qu’elle était entrée.
Il fallait qu’elle se dépêche elle aussi. C’était le jour la réunion avec les potentiels nouveaux actionnaires de la société.
Il y a de cela 5 ans, avec deux de ses meilleures amies, Marie Ange Mokis montait une structure d’import-export qui très vite connu un franc succès. Ses associés et elles avaient réussi deux ou trois transactions, fait jouer leur carnet d’adresses et en moins de temps qu’il ne leur fallut pour le réaliser, «BLUE EXCHANGES» était dans le top 5 des sociétés les plus rentables du pays. Il y a quelques années encore si on lui avait dit que le Docteur Mokis, chirurgienne pédiatre deviendrait Mme Mokis, femme d’affaires, elle ne l’aurait jamais cru. Ah ! La vie et ses surprises.
Mme Mokis avait décidé de s’habiller décontracté. C’était vendredi et la règle d’or était de ne jamais se prendre la tête les vendredis. Elle sortit de la douche et entra dans son dressing. Elle hésitait un instant entre un pantalon et une jupe ; finalement opta pour un pantalon couleur terre d’ombre brûlée ; un chemisier, tissu Shantung écru à fines rayures marron ; des mocassins Fratelli Rossetti beige foncé et le sac à main assorti. Elle prit les clefs de sa voiture et sortit de sa chambre.
-Agnès?
-Oui Madame !
-Tu vas bien ce matin ?
-Oui Madame. Merci Madame.
-Jean n’est pas encore arrivé je suppose. Ah ce chauffeur ! Tu lui diras d’aller à 16h à la pâtisserie chercher le gâteau que j’ai commandé. N’oublies pas de faire sortir les bouteilles de vin blanc de la cave. Ce soir c’est Gambas à la crème et pommes de terre sautées. Je ramènerai moi-même du pain.
-Compris Madame. Merci Madame.
-Sasha ? Tu n’es pas encore prêt ? Moi je pars hein ! fit Mme Mokis en montant dans sa voiture.
La porte de la chambre de Sasha s’ouvrit dans un grand bruit et on l’entendit dévaler les escaliers en boutonnant sa chemise.
-Bonjour, Tantie Agnès !
-Eh Sasha, tu es encore en retard ? le taquina-t-elle
-Qui moi ? Toujours à l’heure tantie !
Agnès se mit à sourire. Elle se souvenait encore du petit Sasha. Il avait à peine deux ans lorsqu’elle commençait à travailler pour les Mokis ! Cela faisait déjà quinze ans ! Aujourd’hui c’était un homme.
Le son du klaxon de la BMW X3 de Mme Mokis se faisait insistant.
-C’est bon Maman ; je suis là, dit Sasha faisant un large sourire à sa mère, un peu pour se faire pardonner.
-Comment tu fais Sasha ? T’as un don pour le retard, grommela Mme Mokis en sortant du parking de la maison
Sasha afficha le même sourire en guise de réponse.
-A quelle heure est ce qu’ils sont censés proclamer les résultats?
-Ils ont dit 08h30.
-Et il est 08h35 Sasha.
La voiture des Mokis s’élançait vers la barrière de la « cité des oliviers ». Avec l’insécurité grandissante, les riverains avaient jugé bon d’accroitre la sécurité d’accès à leurs résidences en construisant cette barrière. On n’était jamais assez prudent.
Les Mokis saluèrent le vigile de garde et s’engouffrèrent dans la circulation. Au moins l’embouteillage avait baissé de densité.
C’est vers 08h50 qu’ils arrivèrent à l’entrée du lycée Américain. Le parking était plein et une file impressionnante de voitures bordait déjà, sur plus de 100 mètres, la route qui passait devant l’établissement. Mme Mokis, aidée de l’un des gardiens réussit tant bien que mal à garer la voiture. Les résultats de l’examen d’entrée à l’université allaient être proclamés et tous les parents présents tenaient à être là pour soutenir leurs enfants.
Il y avait foule dans la cour de l’école ; parents et élèves par petits groupes discutaient, tentaient de détendre l’atmosphère qui s’alourdissait à vu d’œil. Ces résultats étaient tout de même l’aboutissement d’une année scolaire entière de travail et de sacrifice. Un peu comme le ticket d’entrée dans le monde des adultes.
- Ce sont bien les Kemeny sous l’arbre la bas ? On va les saluer ?
- Euh … vas-y Maman, je te rejoins tout à l’heure.
-D’accord !
Sasha n’avait qu’une chose en tête, trouver Kimberley. Il avait besoin de la voir, de lui parler.
Il l’aperçut se dirigeant vers l’immeuble de l’administration. Alors qu’il courait la retrouver, il entendit le principal Turner annoncer que dans cinq minutes ils proclameraient les résultats. Presque tout le monde fit donc mouvement vers le centre de la cour .Cela lui importait peu, tout ce dont il avait besoin c’était des explications.
-Kim ! Kimberley, attends-moi s’il te plait.
Lorsqu’elle se rendit compte que c’était Sasha, Kimberley hâta le pas. Sasha à quelques pas d’elle fit à peine un bond et la retint par le bras.
-Lâches-moi Sasha.
-Non je ne te lâcherai pas. Pas tant que tu n’auras pas répondu à mes questions.
-Sasha ne recommences pas, s’il te plait.
-Il est de moi c’est ça ?
Kimberley réussit à se dégager de l’étreinte et s’éloigna en hâtant le pas.
-J’ai le droit de savoir Kim. J’ai le droit de savoir ! hurla Sasha.
Les quelques personnes non loin de la scène étaient un peu perplexes. Qu’est-ce que cet élève pouvait bien attendre de Mlle M’Bouaké, la professeure de philosophie ?
Sasha sentait la colère monter en lui. Il donna un coup dans l’arbre qui était juste en face de lui. Il s’en fichait de ce que le monde pouvait penser ; il fallait qu’il sache la vérité.
Debout, le visage dans les mains, il revoyait le film de ces derniers mois. Tout s’était passé tellement vite…
C’était l’année dernière, en première, un Mercredi ; à 4mois des vacances scolaires.
Le principal leur avait annoncé la veille qu’ils auraient un nouveau professeur de philosophie parce que Mr Web devait retourner d’urgence dans son pays.
Il était à peu près 15h20 quand elle passa la porte de la salle de classe. Elle portait une jupe grise et un corsage blanc ; des chaussures à talon noirs ; ses cheveux étaient relevés en une queue de cheval. Elle était très jeune ; elle était belle. Ça changeait de « Mr Wébo » et de ses gros costumes à manches courtes. Le cours avait duré deux heures. Si elle était stressée, elle le laissait à peine transparaitre.
Une fois dans son lit, Sasha se ressassait sa journée ; il ne se souvenait que de son visage. Il ne savait pas trop pourquoi. A partir de ce moment, il s’était retrouvé à attendre impatiemment chaque cours de philosophie, surtout à apprécier cette matière à laquelle il ne prêtait pas spécialement attention même si c’est vrai qu’il était plutôt bon élève. Il voulait faire bonne impression. En à peine deux semaines, il était devenu le chouchou.
Pendant les cours, Sasha avait souvent l’impression de sentir son regard peser lui, et lorsqu’il la regardait à son tour, il la voyait se détourner…
Quand il arrivait que leurs yeux se croisent, il sentait, comme un feu, brûler en lui. Il comprit bien vite que c’était l’amour qui le consumait.
Leur jeu avait continué ainsi au fils des cours et un vendredi, alors que les élèves sortaient de la classe et qu’elle était concentrée à remplir le cahier de texte, il avait osé glisser dans son sac ce mot:
« Ils ont beau se cacher.
L'amour le plus discret, laisse par quelques marques échapper son secret. »
Jean Racine.
0031779522487
Quand pour la première fois, un soir, il entendit sa voix au téléphone, il savait que ce son ferait vibrer chaque membrane de son corps, éternellement.
Elle lui avait dit qu’il était fou, qu’il jouait à un jeu dangereux auquel elle ne voulait pas participer. Paradoxalement, l’appel du soir était devenu un genre de rituel.
Au bout de quelques appels, il s’était lancé, lui avait demandé si elle voulait se mettre avec lui, avait senti la terre se dérober sous ses pieds quand elle avait répondu « Oui ».
Leur premier baiser, au cinéma, si gauche… la compétition de Street basketball à Assinie qu’il avait prétexté pour leur premier week-end amoureux ! Il revoyait tout cela.
A l’école, ce n’était tellement pas évident de se contenir.
Plus d’une fois on avait failli les prendre en train de s’embrasser.
Aucune autre femme ne pouvait l’intéresser. Normal ; aucune autre n’était Kimberley.
C’était la première fois qu’il tombait amoureux, Kimberley aussi. Le nuage sur lequel ils étaient était immense.
Il ne voyait son avenir avec personne d’autre qu’elle. Sa mère lui avait demandé à plusieurs reprises de lui présenter la fille qui le rendait aussi gai.
Une maman, ça a le flair pour ce genre de choses. Il lui répondait : « Un ange »
Leur relation était fragile. Plusieurs fois la voix de la raison avait poussé Kimberley à rompre. Elle en avait marre de passer son temps à se cacher. Justement lui ne voulait que ça ; mettre leur relation au grand jour. Mais à ça elle n’était pas prête.
Cependant, leurs ruptures n’étaient jamais bien longues ; ils se retrouvaient plus amoureux, plus passionnés. Sa voix de la raison à lui, était devenue muette.
Cela faisait déjà trois mois qu’elle avait rompu à nouveau. Après un moment de folle passion dans l’appartement de Kimberley : il avait reçu un message :
« Les plus beaux instants de ma vie, ont ta chaleur et ta douceur. Mais, je n’ai pas la force de continuer... Au revoir Sasha »
Elle semblait si décidée cette fois ci. Elle ne prenait même plus la peine de répondre ni à ses appels, ni à ses SMS. C’était en vain qu’il essayait de lui parler…
C’était peut être fini, mais mettre autant d distance entre eux et aussi subitement c’était criminel. Il ne comprenait pas. Quelles erreurs avait-il commises ? Il avait besoin d’explications. A défaut, juste l’entendre lui dire qu’elle l’aimait encore. Il s’en serait contenté toute sa vie.
Mais voilà, la rumeur avait traversé toute l’école. Elle disait que Mlle M’Bouaké était enceinte. Tout le monde soupçonnait Mr Galager, duquel elle s’était plutôt rapprochée ces derniers temps.
Tout le monde n’avait que cette nouvelle sur les lèvres et la période des révisions avait été plus que pénible pour Sasha. Il perdait du poids à vue d’œil. Ça lui faisait de la peine de voir sa maman s’inquiéter que son fils ne se laisse envahir par le stress de l’examen.
Il l’avait appelé, attendu devant son appartement des heures. Kimberley l’évitait.
Il était sûr que cet enfant était de lui. Il le sentait au plus profond de son cœur.
A force d’insister, elle avait décroché le téléphone.
-Mon cœur, enfin je peux te parler.
-Sasha…
-Si tu savais combien je suis vide sans toi.
-…
-Il est de Galager cet enfant?
-Ce ne sont pas tes affaires.
-Kim tu sais que je t’aime. Tu veux que je meure c’est cela ?
-Dis-moi que tu m’aimes encore, s’il te plait.
-Où est le rapport ?
- Dis-le-moi, juste une fois.
-Tu sais très bien ce que je ressens Sasha…
-J’ai le droit de faire partie de la vie de cet enfant ! C’est le mien !
-Je te laisse Sasha
-Attends Kim ! Kim ? Kim ?
….
Elle avait déjà raccroché. Sasha s’était promis de profiter de la proclamation des résultats demain, pour tirer toute cette affaire au clair.Elle ne lui avait rien dit encore.
-Félicitations chéri ! Je suis tellement fière de toi.
Sa maman s’était approché de lui et, le félicitait. Avec tous ses soucis, il avait son diplôme.
Il était fatigué de pleurer. Il avait décidé que s’il franchissait le seuil du portail de l’école, ce serait un nouveau départ, une nouvelle vie, sans Kim. Le visa pour les USA était sous réserve de son diplôme.
Bientôt il s’en ira loin. Il pourra, là bas , remettre les compteurs à zéro
Souvenir, Souvenir, Souvenir...
RépondreSupprimerMelle YEHNI merci
Nanok120
c'est la mode ou quoi, les histoires inachevées?
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