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samedi 12 février 2011

LES PETITES HISTOIRES DE YEHNI N°3

Charles,

Ma lettre te surprendra sans doute. Je viens de me rendre chez mes parents à San Pedro avec le petit. Tu le sais puisque tu m'as remis de l'argent pour contribuer à l'achat des médicament de Maman. Je t'ai appelé sur ton cellulaire pour t'informer que je suis bien arrivée à destination et que le chauffeur avait écouté tes remontrances et conduit prudemment. Je t'ai aussi dit que  je t'avais laissé quelque chose sous mon oreiller avant d'éteindre mon téléphone. Je suppose donc que si tu lis cette lettre, c'est que tu es sûrement rentré du travail. Peut-être même plus tôt que prévu, puisque je te sais très curieux.

En fait je t'ai menti. Maman n'est pas malade. Elle se porte même très bien. J'avais juste peur de ta réaction face à la nouvelle importante que je veux t’apprendre. 




J'ai préféré prendre la précaution de m'éloigner afin de te donner le temps de digérer la nouvelle et de me comprendre.Tout allait bien entre nous quand nous nous somme mariés... il  y aura bientôt sept ans. Nous étions un couple très enviés. Nous avions tous les deux un bon emploi qui nous permettait de vivre plus que confortablement. Nous pouvions nous permettre d’avoir trois voitures, et de voyager quand nous avions le moindre petit congé. En plus l’amour, que nous ressentions l’un pour l’autre, allait grandissant. Tes amis te chahutaient même souvent à ce sujet, trouvant que tu étais trop attaché à moi. "-Ne dit-on pas que l'homme quittera ses parents pour s'attacher à sa femme?" leur répondais tu en riant.
Je les connaissait, tes amis: Momo, Papi, Bob et Henri qui était aussi ton cousin et ton témoin à notre mariage. Tu ne passais plus autant de temps avec eux après le bureau et cela les attristait un peu. Je les comprenais. Moi aussi, je m'étais un peu éloignée de mes copines après notre mariage. Avec le rythme de travail effréné que nous nous imposions pour pouvoir réaliser les nombreux projets que nous avions en réserve, nous n'avions que les week-end à nous et nous voulions en général les passer ensemble.

Puis le problème d'enfant s'est posé.  Ce n'était pas un problème au début, du moins neuf mois après le mariage. Un an après, s'était juste un léger contre temps, un retard, un inconvénient. Quand la troisième année est passée, c'est devenu un tollé général. Ta mère et tes sœurs nous harcelaient et nous persécutaient. Surtout moi bien entendu ! Tu n’es pas sans ignorer que si un couple ne fait pas d’enfant en Afrique, c’est bien entendu la femme la première incriminée.  Elles envahissaient régulièrement notre maison sous ce prétexte. Nous nous entendions bien pourtant auparavant. Je cuisinais souvent pour ta mère, qui adorait ma sauce claire aux tripes de mouton. J'accompagnais régulièrement tes sœurs faire leur courses quand j'étais disponible, ou alors je demandais au chauffeur de me remplacer. Je ne les reconnaissait plus. "As-tu déjà fait des avortements? me demanda un jour ta mère, pendant le repas. Parce que cette pratique laisse parfois des séquelles qui conduisent à la stérilité".
J'ai été choquée par son impertinence. Tu étais là et tu n'as rien dit. Tu ne m'as pas défendue.
Je ne te demandais pas d'insulter ta mère...Je voulais juste que tu la rappelles à l'ordre, que tu lui dises qu'elle n'avait pas le droit de me parler de la sorte. Tu es resté muet.
J'avais fais des tests et je savais qu'il n'y avait rien d'anormal en moi. J’étais parfaitement constituée. Il me fallait juste attendre le temps de Dieu. Et Dieu, prenait son temps.J’avais écumé les cliniques, comme un ivrogne, les bars. J'avais consulté des tradipraticiens ! Quelles décoctions amères n’avais-je pas bues ? Mais cette petite graine de vie ne se décidait pas à germer dans mon ventre.

Une autre fois c'est ta sœur aînée qui m'a manqué de respect. Elle était venu passer le week-end chez nous. Avant de partir, elle m'a offert de la lingerie. Et je l'ai regardée ,  étonnée par ce cadeau.
"-Comment vous pouvez avoir des enfants, si toi tu ne sais même pas comment  te faire désirer par ton mari. Tu lui tournes le dos pendant qu'il travaille sur son ordinateur à des heures impossibles. " a-t-elle dit.
Je me suis rendu compte qu'elle nous avait épiés la veille, dans notre chambre conjugale. Ce jour-là, tu avais un rapport important à terminer et j'avais fini, fatiguée, par m'endormir. Je t'en ai parlé et tu as éclaté de rire. Tu imaginais mal ta sœur en voyeuse. Tu ne m'as pas crû.
Tu ne te préoccupais plus trop de moi à l'époque. Tu venais de prendre une maîtresse sur les conseils de ta mère. Oui, mon chéri je savais cela. Mais j'ai fermé les yeux car je t'aimais. Je sais que c'est la raison pour laquelle tu as arrêté de parler à Henri et qu'il est devenu persona non grata chez nous ou dans nos débats. Ton cousin me défendait et condamnait ton attitude et la façon dont tu gérais ce problème. Tu as inventé une histoire, comme j'insistais pour savoir les raisons de votre querelle. Tu m'as dit qu'il t'avais escroqué beaucoup d'argent. Je savais que c'était faux.
Je te voyais t'éloigner de moi, chaque jour un peu plus. On se disputait tout le temps. Nos moments d'intimité s'espaçaient de plus en plus et étaient devenus mécaniques.
Désespérée, j’ai moi aussi pris un amant. Je sais aujourd'hui que ce n'était pas la meilleure chose à faire mais vous m'aviez poussée dans mes derniers retranchements.
Je n'étais pas habituée à tricher. A maintes reprises tu as failli tout découvrir.
Cet homme était doux et attentionné. Il était tendre et  respectueux. Il était toujours souriant et créatif. Notre relation ne souffrait d'aucune monotonie. Il me comblait. Pas comme toi, mais à sa façon. Personne ne pouvait te remplacer ni me faire oublier les bons moments qu'on n'avait passés, mon chéri. Mais il me fallait avoir un enfant pour clouer le bec à toutes médisances.
Tu comprends pourquoi, j'ai fermé également les  yeux sur ta relation avec ta secrétaire. Cette petite fille que tu avais rendue arrogante par votre liaison.  Cette gamine qui roulait des hanches sous mes yeux et me lançait des regards insolents.
Je me suis tue car, je gardais en moi un peu de culpabilité.  T'ayant trompé aussi, j'étais logé à la même enseigne que toi. En plus à chaque fois que je regardais David, des sentiments ambivalents m’animaient.
Ma relation extra conjugale n'a duré que quatre mois. Les remords étaient trop forts. Je me sentais mal. Je me sentais sale. Nous avons décidé d'un commun accord de nous séparer, de nous éloigner, en nous jurant de ne plus nous recontacter. Il est partit à l'étranger et moi je suis restée avec toi.
Pourquoi je t'avoue cela aujourd'hui ? David est malade et il a besoin de son père. Lui seul peut le sauver. J'ai fouillé en vain ton bureau, je n'ai pas trouvé son adresse. Je me suis renseignée discrètement, mais rien. Or le temps presse. Comme tu l'as deviné, tu n'es pas le père de David. Son père est Henri, ton cousin, ton témoin. Pardonne-moi mais je ne pouvais faire autrement. C'était trop dur à supporter: les sarcasmes, les  injures, les moqueries....
Tu sais bien que nous sommes tous les deux fautifs dans cette affaire. Mais de peur qu'un sursaut d'orgueil ne te pousse à un acte irréfléchi, j’ai décidé de rentrer en famille. Je reviendrai dans deux semaines espérant que tu te seras calmé, que tu auras repris tes esprits et compris dans la foulée que l'enfant de ta secrétaire aussi n'est pas de toi. Tu ne peux pas avoir d’enfant, mon cœur ! J’en ai les preuves aujourd’hui. Le problème c'est toi, cela a toujours été toi. Tu as une azoospermie. Je suis vraiment désolée.
Je t'aime mon chéri. Peu importe tout ce qui est arrivé, je t’aime ! Ne laissons pas les épreuves de la vie nous séparer. Je t'aime et je tiens à toi.
A bientôt, Fiona.

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