L’INTERDICTION
Je suis dans une clinique des Deux Plateaux. Je bénéficie d’une chambre individuelle avec télévision, climatiseur et personnel soignant à mes petits soins. On dit que j’ai eu une poussée soudaine d’hypertension. J’ai frôlé l’accident cardiovasculaire selon les médecins. Cela ne m’étonne pas. Je me demande même comment j’ai pu survivre au choc. Eh Seigneur ! Mettre un enfant au monde sonne vraiment le glas de votre sérénité.
Je suis père de trois
belles filles. La plus grande est déjà une adolescente, elle à 15 ans. Elle est
en classe de seconde. Les deux autres ont 9 et 4 ans. A chaque fois que je sors
de la maison je suis très inquiet, surtout pour la plus grande, Rose. Rose est
déjà une petite femme. Elle m’arrive presque à l’épaule. Elle a la beauté de sa
mère. Ses formes commencent à se dessiner. J’ai peur qu’elle ne s’intéresse aux
garçons et plus peur encore que les garçons s’intéressent à elle. Je la menace
sans arrêts.
« Je ne veux pas te
voir avec un garçon ! Je ne veux pas voir de jeune homme chez
moi ! Les hommes sont méchants. Fais attention ! Fais très
attention ! »
Depuis qu’elle a eu
l’âge d’aller à la maternelle, je l’ai inscrit dans des écoles de filles
uniquement. Tout notre personnel est féminin. Une dame nous sert même de
chauffeur. Elle conduit ma fille partout où elle le désire. Mes amis disent que
je suis paranoïaque. Effectivement je le suis. Et j’ai de bonnes raisons pour
me comporter ainsi.
Avant de me marier j’ai
mené une vie de débauche. Je suis grand de taille et clair de teint. A l’époque,
je faisais beaucoup de sport pour maintenir une forme d’athlète. Je n’avais pas
cette bedaine. Je portais des vêtements moulants qui mettaient en exergue mes
muscles. Je tombais les filles en leur disant que j’étais mannequin. Ou alors
c’étaient elles qui venaient me draguer. Les filles, j’en ai eu de toutes les
couleurs, de toutes les tailles, de toutes les formes et de tous les âges. J’ai
couché avec les mamans de mes copains de classes, les filles de mes collègues,
mes professeures. Aujourd’hui, heureux père de famille, j’ai
peur que mes filles tombent sur un autre moi. Quelqu’un qui va gâcher leur vie
en leur brisant le cœur, ou pis, en leur flanquant une grossesse ou une maladie
sexuellement transmissible. Les hommes sont sans pitié.
« Toi tu as fait
cela aux enfants des autres et tu ne veux pas qu’on fasse la même chose à tes
filles ! C’est la règle de la vie. Tu récoltes ce que tu sèmes. »
J’ai interdit
immédiatement à Tony, mon ami qui avait dit cela, de remettre les pieds chez
moi. S’il osait le penser et avoir le culot de le dire, c’est qu’il comptait
venir participer à la récolte en compromettant ma fille. Je me méfiais depuis
longtemps de ce vieux dégoûtant. Lui le mariage ne l’avait pas assagi. Il
continuait de tromper sa femme. Quand il voyait une jeune fille, c’était à
peine s’il ne se mettait pas à baver. C’était franchement un bon débarras.
J’ai dit formellement à
mon épouse que je voulais qu’elle surveille Rose de près. Au niveau
vestimentaire, je voulais qu’elle
s’assure toujours que ses vêtements soient décents. Je ne tolérais pas de
mèches dans sa chevelure, de maquillage sur son visage. Je ne voulais pas
qu’elle se fasse remarquer. Je surveillais même ses fréquentations féminines.
Les filles aux oreilles percées de plus de trous qu’un parcours de golf,
tatouées, de moralité douteuse, étaient persona non grata.
« Si elles n’ont
pas de parents, toi tu en as ! »
Rose n’avait pas le droit
de se rendre aux fêtes, bal de fin d’année et autres débilités où les hommes
les plus courageux draguaient les filles, alors que les plus abjectes les
droguaient pour les violer. Le premier qui osait faire du mal à l’une de mes
filles, vivraient assez longtemps pour regretter son acte. J’allais le tuer
lentement, à petit feu.
En classe de troisième,
Rose s’est liée d’amitié avec Yvonne, une jeune fille que j’ai aimée dès le
premier regard. Très polie, très décente et très intelligente. Son père, un ambassadeur,
venait de prendre sa retraite et était rentré avec sa famille en Côte d’Ivoire.
« Ce sont des
filles comme celle-là que tu dois fréquenter. Elle est intelligente et te
stimulera vers le haut. Quand on veut évoluer, il faut savoir choisir ses fréquentations. »
Rose aimait bien Yvonne,
mais elle trouvait j’étais trop sévère avec elle. Ne pas du tout parler à un
homme était exagéré. Elle disait que ses amies se moquaient d’elle à l’école.
C’était à sa mère qu’elle partait ouvrir son cœur naïf d’adolescente. Si elle
avait osé me ternir tête ouvertement, je lui aurais flanqué une bonne gifle. Un
enfant, c’est un investissement ! Je le protégeais comme la prunelle de
mes yeux, bon gré, mal gré. Mais vous connaissez les femmes et leur instinct
maternel. Mon épouse défendait ses enfants.
-On ne surveille pas
trop les femmes William. Tu vas finir par la pousser à se rebeller. Relâche un
peu la pression. Tu ne pourras pas la protéger éternellement. Laisse la faire
ses propres expériences.
-Moi je ne suis pas un
père irresponsable ! Je ne suis pas de ses parents qui laissent la rue
élever leurs enfants, comme des poulets sans propriétaires ! J’espère que
toi non, plus ! Je l’espère pour ton bien ! C’est comme cela que vous
faites pour gâter les enfants !
Ma femme se taisait
quand je haussais le ton. Elle revenait toujours à la charge quelques jours
plus tard.
Un jour, elle a autorisé
Rose à aller à une fête à mon insu. Quand je m’en suis rendu compte, j’ai
débarqué sur le lieu de la fête. C’était chez les parents d’une de ses amies de
classe. Je l’ai grondé devant ses amies et l’ai jeté dans la voiture sans
ménagement. Une fois à la maison je lui ai donné une bonne paire de gifles et
je l’ai expédié dans sa chambre.
-Tu es trop dure avec
elle. Elle est déjà grande. Il faut discuter avec elle.
-Si tu parles encore, tu
vas recevoir ta part aussi ! Tu es une mauvaise mère et aussi une mauvaise
épouse. Comment tu peux donner l’autorisation à Rose de se rendre à une fête, alors
que tu sais que je lui est formellement interdit d’y aller.
-Je te rappelle que
quand tu étais plus jeune tu adorais les fêtes mon chéri.
-Et c’est exactement la
raison pour laquelle je ne veux pas qu’elle y aille ! Je sais ce qui s’y
passe. En plus, la jeunesse d’aujourd’hui est encore plus dépravée que nous
l’étions à l’époque. Tu imagines !
Ma femme m’a tourné le
dos cette nuit-là. Le lit qu’elle trouvait trop étroit et qu’elle voulait que
je change, est devenu soudainement large. Nous avons dormi jusqu’au matin sans
nous frôler. Rose a voulu me faire la tête. Mais cela n’a pas duré longtemps.
Elle a été obligée de venir me demander de l’argent pour une cotisation dans
son école. Après cet épisode, Rose s’est calmé. Elle s’est concentrée sur son
amitié avec Yvonne.
J’aimais beaucoup
Yvonne. Je souhaitais de tout mon cœur que ma Rose devienne comme elle.
Toutefois, j’hésitais encore à permettre à Rose d’aller dormir chez elle. Comme
les parents d’Yvonne étaient plus souples, c’est elle qui venait dormir
régulièrement à la maison. Au début, ma méfiance naturelle me poussait à venir
rôder dans les couloirs. Un jour ma femme m’a surpris.
-Tu n’as pas honte,
rôder dans ta propre maison comme un voleur, ou un fantôme. Tu n’as pas
sommeil !
-Je suis dans ma maison
je fais ce que je veux. Je suis le maître chez moi !
-Hum !
Continue !
Petit à petit la
confiance s’est installée. J’ai eu des nuits plus paisibles. J’étais plus
tranquille. Ma relation avec Rose s’est améliorée. Elle a recommencé à avoir de
bons résultats à l’école. Je lui ai offert un ordinateur portable. Elle était
heureuse. Ma famille vivait dans l’harmonie.
Hier, j’ai un fait un
cauchemar. Mon ami Tony venait draguer ma fille. Elle se laissait bêtement
conduire dans un hôtel, comme un mouton, à l’abattoir. Je voulais m’interposer
mais je n’y arrivais pas. J’avais beau crier, personne ne m’entendait.
J’assistai donc au spectacle, impuissant. Je me suis levé en sursaut, le cœur
battant à un rythme accéléré.
-Qu’est-ce qu’il y a mon
chéri ?
-Rien ! Juste un
mauvais rêve ! Je vais voir si les filles vont bien.
-Tu as recommencé
encore ?
Je me suis levé en
titubant un peu. Mes paupières étaient encore lourdes de sommeil. Je suis
descendu boire un peu d’eau dans la cuisine. Ça m’a fait du bien. Je ne
pouvais pas aller me coucher sans faire un tour dans la chambre de mes filles.
Les plus petites dormaient ensemble. Leur porte n’était jamais fermée. Elles
ressemblaient à deux petits anges endormis. Rose aimait bien s’enfermer à
double tour. Quand elle faisait des bêtises, je cachais sa clé. Même quand je
ne la cachais pas, j’avais ma technique pour regarder dans sa chambre.
Il y a quelques années,
j’ai fait fixer des plaques sur leur porte. Mon frère est sérigraphe et il
voulait leur offrir des plaques en leur nom. J’ai apprécié l’idée et j’en ai
profité pour lui demander de faire un trou dans la porte. Moi seule savait
qu’en pressant un peu le côté gauche, la plaque pouvait pivoter pour laisser
place à une petite ouverture, assez large en tout cas, pour avoir une bonne vue
de la chambre.
J’ai d’abord jeté un
coup d’œil dans le trou de la serrure. La clé était à l’intérieur, je ne voyais
rien. J’ai actionné la plaque. Et à ma grande surprise, j’ai vu ma fille et
Yvonne nues, entrain de s’embrasser et de se tripoter. Yvonne visiblement,
était la plus expérimentée. Mon cœur n’a pas supporté, je me suis évanoui. Le
bruit de ma chute a certainement contribué à ce qu’on me découvre vite.
Qu’est-ce que j’ai fait
à Dieu pour mériter ça ? Est-ce que je paye pour mon passé frivole ?
Est-ce que je suis sous le joug d’une malédiction ? Je ne sais pas comment
expliquer cela au médecin. Il m’a demandé si j’avais vécu une situation de
stress le jour de l’incident. J’ai fait celui qui ne se souvenait de rien. Je
ne peux même pas en parler à ma femme ! Et ma fille ? Qu’est-ce que
je dois faire face à se genre de dérives ? Je suis désemparé. Que Dieu me
vienne en aide.
lol...tu as recolté ce que tu as semé mon chère ami!
RépondreSupprimerMoi qui pensais que la fille allait se choper une grossesse ! Lol! Belle leçon pour nos papas yehni!
RépondreSupprimerLOL, belle histoire j'ai bien ri à la fin, Ça renforce la rumeur comme quoi les filles qu'on serre trop deviennent des lesbiennes, par pour la plupart mais pour quelques unes qui finissent par succomber. Moi même ayant fait Notre Dame du Plateau et Sainte Marie je trouve sa dommage encore que dehors on te serre, déjà qua l'école tu es juste entre filles. Si tu ne découvres pas le vrai monde pendant que tu es jeune et que tu ne fais pas tes erreurs, ça risque de ne pas être facile quand tu prendras de l'âge.La jeunesse est faite pour ça, faire des erreurs et se reprendre pour l'avenir
RépondreSupprimerLa fin est un peu tirée par les cheveux...on sent que tu t'es essoufflée d'écrire. Essaie de garder ton rythme jusqu'à a fin. Mais j'aime bien l'histoire!
RépondreSupprimerJ'aime cette histoire... Vraiment...Pas parce qu'elle est bien écrite...Tu as une belle plume...C'est connu!
RépondreSupprimerMais parce que tes personnages sont depeints sans phare et sans prisme de moralisme... Tu ne prends même pas parti...Tu les laisses vivre et assumer seuls leur choix...comme des grands...
Tu les laisses s'échapper et tu prends même le risque de ne plus t'appartenir...
Etant qu'écrivain, c'est important de savoir prendre des risques et se mettre profondement en danger... Quitte à en souffrir...
Une oeuvre puissante et suprême n'est qu'à ce prix...
Bon assez deliré! Merci pour l'histoire...:-)
très très long texte. Mais bravo. je suis arrivée au bout. il fera mieux avec les 2 suivantes. C'est tout ce qu'on peut souhaiter... et espérer
RépondreSupprimerOn surveille pas femme oh. lol
RépondreSupprimerBravo ! C'est une belle histoire, bien écrite. A chaque ligne, on avait soif de lire la suivante. Je trouve que la fin à une tendance à renvoyer la faute à la fille qui à dériver qu'au père qui par le "marquage" trop strict à pousser sa fille à la dérive.
RépondreSupprimersuperbe histoire jespère seulement ke c'est pas la fin et kon aura une suite chapeau
RépondreSupprimerlool , te connaissant je savais que la fin allait être différente de la bonne vieille grossesse habituelle! lol le monsieur peut être serein . je pense qu'il n'a rien à voir avec les penchants de sa fille.si elle aimait les garçons, il n'allait pas la trouver où il l'a trouvée! lol mais le pauvre,depuis tout ce temps il la protégeait des mauvais loups.lol
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